Portrait des nouveaux membres du Conseil d'Administration - Saison 3

Pour la troisième année consécutive, les nouveaux membres du CA se prêtent au jeu des portraits. Découvrez qui sont ceux qui sont venus renforcer les rangs de l'ATAA en 2025 !

Quatrième portrait, Catherine Viot, membre varoise, discrète et toujours pertinente du CA de l'ATAA version 2025.

Le CA fait de son mieux pour être partout, tout en étant humains. J’en soutiens toutes les idées, toutes les démarches entreprises et je continuerai à le faire, parce que nous sommes tous animés par le même but.
  • Quel a été le déclic qui t’a donné envie de te lancer dans la traduction ou l’adaptation audiovisuelle ?

Alors moi, j’ai été décliquée à la naissance ^^. À 4 ans, je m’intéressais déjà aux rouages du doublage. Quand je regardais Columbo avec ma mère, j’avais bien compris que la voix que j’entendais n’était pas celle de Peter Falk, mais en VO, je croyais qu’il remuait les lèvres pour faire semblant de parler ^^. Ado, je m’amusais à mettre les DVD de la maison en anglais ou en espagnol, avec un sous-titrage français, ou encore en VF avec un sous-titrage anglais ou espagnol… Bref je faisais un tas de combinaisons possibles pour analyser et essayer de comprendre les choix de l’adaptateur, tout en apprenant du vocabulaire. J’écoutais les chansons des dessins animés de mon enfance en VO, jusqu’à les apprendre par cœur, rien que pour acquérir du vocabulaire et vérifier la traduction au passage (je passais pour une folle parce que j’écoutais I just can’t wait to be king dans la voiture en allant travailler ^^). Je me suis inscrite dans un Master de traduction et pour préparer mes examens, j’ai récupéré des vidéos que je m’amusais à sous-titrer et je les mettais sur YouTube (en précisant bien que seule la traduction m’appartenait). Un jour, l’une de ces vidéos a atterri sur le bureau d’une chargée de prod qui m’a proposé mon premier doublage. J’ai donc décidé de reprendre des études, spécialisées en adaptation audiovisuelle cette fois, pour éviter le syndrome de l’imposteur et me sentir légitime à proposer des services vraiment maîtrisés à de potentiels clients.

  • Quel projet a constitué pour toi le plus grand défi technique, artistique ou humain ?

En 2023, alors que je sortais tout juste de l’adaptation du documentaire Tchernobyl : la véritable histoire, qui m’avait déjà touchée, on m’a proposé d’adapter Return to Raqqa, un documentaire sur la guerre en Syrie. Sur le coup, je n’étais pas hyper emballée par le sujet, mais je lui ai consacré la même attention qu’à tous mes autres « bébés ». Et en avançant dans l’écriture, j’ai eu l’impression de me prendre une grande claque tant le ton et les images étaient forts. Les images d’archives étaient remplacées par des dessins lorsqu’elles étaient trop dures à voir, les témoignages des survivants et des proches des victimes insoutenables à entendre. J’ai passé de longues heures de travail dessus car je voulais être certaine que chacun des mots que j’écrivais était parfaitement choisi et ne trahirait pas le message à transmettre. À la fin de l’adaptation, j’étais en larmes, jamais ça ne m’était arrivé.

Le documentaire était à destination d’un festival. J’ai assisté à la remise des prix qui était retransmise en direct sur YouTube. J’espérais qu’il aurait au moins un prix…Il en a eu trois, j’ai passé la moitié de la cérémonie à pleurer de joie. Au-delà des images terribles, le public avait compris le message, ma mission était accomplie. À ce jour, ce documentaire reste ma plus grande fierté. Comme quoi…

  • Y a-t-il une scène, une réplique ou un dialogue que tu as traduit/adapté et dont tu te souviendras toujours ?

Je me souviens avoir rencontré des sueurs froides sur le film Payback, que j’ai adapté en 2023. Pour une séquence qui dure 3 secondes à l’écran, je me suis pris la tête pendant presque toute une soirée. Il s’agissait de retrouvailles entre le héros et un copain qu’il avait rencontré en prison. En VO, ils se saluaient grâce à un « Fucking » placé entre leurs noms et leurs prénoms. On comprenait aisément que c’était un délire entre eux, mais l’adaptation de ce terme en français tombait un peu à plat pour moi. Mais même si je n’avais aucune limitation particulière pour les gros mots dans ce film, aucune des solutions que je trouvais ne me satisfaisait. Alors j’ai choisi de m’éloigner complètement de la VO pour faire preuve d’observation sans prise de tête. En prenant un peu de distance, j’ai remarqué que les deux personnages avaient des initiales doubles, ça a été ma bouée de secours. C’est ainsi que « Mike fucking Markovich » est devenu « Mike, mon double M », et pareil pour le copain du héros, Randy Rhodes. J’étais un peu frustrée de ne pas avoir pu trouver mieux, mais ça fait partie du métier. Quand ça veut pas, ça veut pas.

En revanche, je me souviens avoir pris un réel plaisir à écrire les trois épisodes de la série documentaire Les secrets des manchots au début de l’année, parce que je me retrouvais complètement dans l’humour et le ton donnés dans les interventions de la narratrice, Blake Lively. L’écriture s’est donc faite très naturellement, tout était fluide. Et cerise sur le gâteau, les retours ont été unanimement positifs. C’est génial quand ça se passe comme ça.

  • Comment as-tu su que c’était le bon moment pour rejoindre le CA ?

Je ne me suis pas levée un matin en me disant « tiens, si je postulais au CA de l’ATAA ? ». Non, cette idée me trottait dans la tête depuis un moment, j’étais curieuse de connaître les coulisses. Je voulais en apprendre davantage sur le métier, sur des choses que je ne voyais pas forcément en bossant dans mon petit coin varois. Mais je n’osais pas me lancer, peur de mal faire, de ne pas savoir que faire. C’est comme ça que j’ai envoyé ma candidature le 31 décembre 2024, vers 18h ^^ en pensant que ça devait être trop tard. Un peu sur un coup de tête. Ça et l’histoire du foie gras de Yann.

J’ai passé une super année au milieu d’un CA extraordinaire (c’est le mot) et très impliqué dans toutes les problématiques du métier. Ils sont sympas, c’est vrai, ils ne mordent pas même s’ils peuvent montrer les dents parfois face aux indélicats. Mais tous sont animés par ce même amour du métier, de ce métier que tant de détracteurs voudraient voir disparaître. Chaque décision prise au sein du CA l’a été dans le dialogue, le respect et jamais imposée. J’ai été honorée d’en faire partie et d’avoir eu mon mot à dire. Mais j’ai eu la chance d’avoir eu une année très riche professionnellement, et je n’ai pas pu lui consacrer autant de temps que je l’aurais voulu. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de me retirer du CA, mais je vous encourage évidemment tous et toutes à vous engager à leurs côtés. Vous y vivrez une expérience fantastique, avec le sentiment de participer à faire avancer les choses. Vous êtes là à chaque petite ou grande victoire, pour le meilleur et pour le pire. Et en plus, aucun de ses membres n’est cannibale, juré ! Alors, si vous vous sentez prêts, que vous voulez défendre le métier, proposer de nouvelles choses, lancez-vous ! C’est l’union qui fait la force !

  • Quelle expérience ou expertise personnelle aimerais-tu mettre davantage au service de l’ATAA dans les mois à venir ?

Ma réponse va sûrement être un peu bateau, mais le fait de quitter le CA ne veut pas dire que je compte cesser d’intervenir dans les débats sur le Discord quand je le juge utile et surtout, intelligent. J’en lis toujours attentivement chaque discussion. À tout moment, je peux tomber sur une demande d’aide d’un confrère qui se trouve être dans une situation que j’ai déjà expérimentée moi-même. Je lui apporterai toujours mes lumières, parce que le fait d’avoir parfois galéré à trouver une solution ne veut pas dire que je dois accepter de laisser les autres dans la panade. L’ATAA, c’est une grande famille ! Contrairement à certains confrères, je n’ai pas de phobie administrative avérée, grâce à ma mère qui m’a baignée dedans depuis petite. Les bras de fer avec l’Urssaf ne me posent donc pas de problèmes ^^. Je continuerai à éduquer le public, à rappeler sur les réseaux que l’adaptateur.ice a un droit moral sur ses œuvres et que ce droit doit être respecté quand les comédiens reviennent doubler leurs plus grands succès, succès qui existe en partie grâce à l’adaptateur.ice qui n’est jamais cité(e) dans les vidéos !

  • Qu’as-tu découvert sur l’association ou sur le métier en intégrant le CA, que tu ne soupçonnais pas avant ?

Le boulot extraordinaire qui est abattu en coulisses ! En étant « membre lambda » de l’ATAA, je ne voyais jusque-là que la partie émergée de l’iceberg. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre en postulant, mais en étant au CA, j’ai vraiment découvert le nombre hallucinant de chantiers qui étaient en cours. Le CA fait de son mieux pour être partout, tout en étant humains. J’en soutiens toutes les idées, toutes les démarches entreprises et je continuerai à le faire, parce que nous sommes tous animés par le même but.

  • Quel changement récent dans le secteur te semble le plus déterminant pour notre avenir ?

Je ne vais pas être plus originale que mes confrères et consoeurs, de l’ATAA ou ailleurs : c’est bien sûr l’IA, même si elle n’est pas née hier. Tous les jours, je lis et entends de tout à ce sujet, il y a ceux qui disent que de toute façon, l’IA va tellement vite qu’elle nous remplacera tous demain. Il y a ceux qui ont décidé de lui accorder leur confiance entière, parce que sur le papier elle « coûte » moins cher, ne tombe pas malade, ni enceinte, elle ne fera jamais grève… Il y a ceux qui ont déjà choisi d’anticiper en se reconvertissant, malgré leur amour du métier. Et ceux qui ont choisi de résister jusqu’au bout, dont je fais partie.

L’IA, oui, ça peut être un bon outil, mais c’est comme tout : il faut savoir s’en servir sinon ça devient dangereux si on s’en remet complètement à lui. L’IA est incapable de penser par elle-même, elle ne crée rien, elle applique des statistiques, et ce depuis qu’elle existe. Et elle aura toujours besoin d’un humain décisionnaire. Ceux qui n’ont pas compris ça n’ont alors rien compris.

Donc à ceux qui me disent que je vais être remplacée, que ça ne sert à rien de m’acharner, que ce métier est mort (choisissez l’option que vous préférez, elles se ressemblent toutes), je réponds que je suis toujours là, bien accrochée à mon siège et que le quitter n’est pas d’actualité. Pourquoi la traduction devrait être dans le top 5 des métiers à éradiquer, plus que n’importe quel autre métier encore existant qui a simplement évolué grâce au progrès ?

  • Quelle est la meilleure leçon que tu aies apprise depuis tes débuts, et que tu aimerais transmettre aux nouvelles et nouveaux arrivant·es ?

J’en avais parlé dans un article à destination du blog de l’ATAA, à partir de mes propres débuts et des leçons que j’en ai tirées. Quand j’ai commencé en 2018, j’étais seule, je ne connaissais pas l’ATAA. Sinon, ils m’auraient sûrement tirée dessus à boulets rouges pour avoir accepté ce que j’ai accepté à l’époque. Notamment des tarifs à faire pleurer de désespoir, qui m’ont placée en position de « scieuse de branche » alors que ce n’était pas du tout mon intention. Donc il ne faut pas dire « oui » à tout, même quand on débute et qu’on a peur de se fermer une porte à peine ouverte. Rapprochez-vous rapidement de l’ATAA pour vérifier au moins ce qui est acceptable ou non, tant au niveau des conditions que des tarifs. C’est elle qui m’a sauvée, et montré la voie à suivre. Essayez de diversifier vos clients au lieu de ne bosser que pour un seul (plus facile à dire qu’à faire, je sais), parce qu’un seul retard de paiement de sa part vous mettrait immédiatement dans une situation financière difficile. Dans la même lignée, (et c’est celle qui se plie en 4 pour ses clients qui dit ça) même pour un client déjà bien connu, toujours confirmer un tarif avant de commencer le boulot. Ça peut paraître élémentaire, et pourtant…

Parce que cette année, ce n'est pas une, mais deux secrétaires adjointes toute nouvellement recrutées que compte l'ATAA, place au portrait d'Émeline Perego !

On peut avoir peur (...) que l'engagement prenne trop de temps. (...) Mais chacun·e fait ce qu'ielle peut et il règne une grande bienveillance entre nous au sein du CA.
  • Quel a été le déclic qui t’a donné envie de te lancer dans la traduction ou l’adaptation audiovisuelle ?

Au lycée, j'étais cinéphile/sériephile et bonne en langues, alors quand j'ai su que ce métier existait, je me suis dit, c'est pour moi !

  • Quel projet a constitué pour toi le plus grand défi technique, artistique ou humain ?

Techniquement et artistiquement, il y a en a plusieurs : Suits, très bavarde, très fantaisiste avec les règles de droit donc souvent très casse-tête, puis Starstruck, Girls5eva et All's Fair, géniales à écrire mais tellement difficiles ! Humainement, c'est quand je bosse avec des gens qui ne remplissent jamais les bibles ! #grrr

  • Y a-t-il une scène, une réplique ou un dialogue que tu as traduit/adapté et dont tu te souviendras toujours ?

Comment choisir... A mes débuts, le "I will Bury us in gold" d'Attila dans un docu-fiction sur les grands conquérants, qui m'a fait comprendre qu'il y a toujours une solution aux problèmes de labiales, puis dernièrement la scène entière de Loup-Garou qui vire au drame dans un épisode de Starstruck (je suis très fan du jeu) et la réplique la plus méchante que j'aie jamais écrite dans All's Fair : "Votre chère Allura-dorable ne peut pas concevoir de bébé à elle dans la crevasse sombre et poussiéreuse qu'elle a pour utérus. "

Il y a aussi eu ce débat sur le mot "cranberries" avec le responsable doublage d'une chaîne télé sur une série se déroulant pendant les années 80. Ma collègue, qui adaptait l'épisode, et moi, présente à la vérif, avons argumenté de toutes nos forces pour mettre "canneberges", connu des nombreux épisodes de Thanksgiving de Friends, et pas "cranberries", qu'on trouvait anachronique dans cette série-là. Malheureusement, on a perdu !

  • Comment as-tu su que c’était le bon moment pour rejoindre le CA ?

C'était la prochaine étape naturelle après avoir fait parti du comité d'orga des prix séries doublage avec Juliette et du jury des mêmes prix. Ça me trottait dans la tête depuis un moment, il fallait que je me lance.

  • Quelle expérience ou expertise personnelle aimerais-tu mettre davantage au service de l’ATAA dans les mois à venir ?

Il ne faut pas avoir peur de se défendre contre un client quand il y a un désaccord, ni de réclamer ce qui nous paraît juste, par exemple un meilleur tarif.

  • Qu’as-tu découvert sur l’association ou sur le métier en intégrant le CA, que tu ne soupçonnais pas avant ?

L'Ataa est partout ! Auprès des clients, des institutions, des autres associations. J'ai beaucoup appris sur le statut d'auteur, et je suis encore plus déterminée à le défendre aujourd'hui.

D'un point de vue pratique, on peut avoir peur, au départ, que l'engagement prenne trop de temps. Oui, ça prend du temps, mais chacun·e fait ce qu'ielle peut et il règne une grande bienveillance entre nous au sein du CA. Surtout, quand on cogite toustes ensemble, c'est hyper motivant !

  • Quel changement récent dans le secteur te semble le plus déterminant pour notre avenir ?

L'arrivée de l'intelligence artificielle me déprime, pour ce qu'elle implique pour nos métiers, mais aussi notre société, et l'environnement.

  • Quelle est la meilleure leçon que tu aies apprise depuis tes débuts, et que tu aimerais transmettre aux nouvelles et nouveaux arrivant·es ?

La première, on n'est jamais infaillible, ça arrive à tout le monde de se planter sur un projet. On ravale son orgueil, on s'en remet, et surtout, on apprend. Entre deux étapes, on peut aussi chialer un bon coup. La seconde, quand on se retrouve devant une colle, ne pas hésiter à faire appel aux collègues : "je comprends rien, qu'est-ce que le personnage veut dire???".

Deuxième portrait 2025, celui du chat du CA qui en est sorti pour mieux y re-rentrer, Jean-François Cornu !

Crédit photo : Estelle Renard
Nous vivons actuellement [...] un basculement dont tout le monde ne semble pas encore mesurer la gravité. Pour ma part, et bien que je ne sois évidemment pas au début de ma carrière, je ne peux pas rester les bras ballants face à ce bouleversement.
  • Quel a été le déclic qui t'a donné envie de te lancer dans la traduction ou l'adaptation audiovisuelle ?

Je ne voulais pas devenir prof ! Au tournant des années 1970-1980, lorsque j’étais étudiant en anglais, faire des études de langues, c’était forcément pour devenir enseignant dans le secondaire, du moins selon les universitaires de l’époque. Cette perspective ne me séduisait pas du tout. Mon goût de la langue anglaise et des cultures dont elle est l’expression se doublait d’une passion pour le cinéma. Quand j’ai découvert l’existence, alors toute récente, d’un DESS en traduction cinématographique à Lille – devenu le Master aujourd’hui bien connu –, j’ai trouvé le moyen d’allier mes deux passions, dans l’espoir que je pourrai en faire mon métier.

  • Quel projet a constitué pour toi le plus grand défi technique, artistique ou humain ?

Le sous-titrage de King Lear, de Jean-Luc Godard. Présenté en 1987 au Festival de Cannes, sans sous-titres à la demande du cinéaste, ce film n’est sorti en salles en France qu’en 2002. Il s’agit d’une réflexion très godardienne sur l’idée d’adapter au cinéma Le Roi Lear de Shakespeare. Différentes scènes écrites par Godard se succèdent, entrecoupées d’extraits de la pièce joués, ou plutôt dits, par plusieurs comédiens.

Je disposais d’une transcription qui ne distinguait pas les dialogues de Godard de ceux de la pièce. Bien sûr, le style shakespearien était facilement reconnaissable, mais la liste des dialogues ne donnait aucune précision sur l’acte et la scène où se trouvait telle ou telle réplique, que j’ai dû dénicher en lisant attentivement une édition bilingue anglais-français de la pièce. Car nous étions au début des années 2000 et tout Shakespeare n’était pas encore sur Internet.

En outre, dans l’une des dernières scènes du film, un texte est dit, dont le style n’était manifestement dû ni à Godard ni au grand Will. Littéraire, mais beaucoup plus contemporain. Évidemment, la transcription n’offrait aucun indice non plus. Grâce à une portion de phrase, Internet est tout de même venu à ma rescousse, non pas en m’indiquant d’emblée d’où provenait ce passage, mais par la présence de ce fragment dans un article universitaire à propos de… Virginia Woolf : il s’agissait d’un passage de la fin des Vagues. Cela ne s’invente pas !

Toutefois, un indice à l’image aurait pu me mener plus vite sur la bonne piste. Dans un plan large, on aperçoit une édition de poche du livre en anglais, posée sur un rivage (comme il se doit) et dont le titre est bien lisible au premier plan. Seulement, sur mon petit écran de télé de l’époque et avec une VHS de qualité moyenne, cette couverture était parfaitement illisible. Ce n’est que plus tard, en projection de presse sur grand écran, que j’ai repéré ce détail qui aurait pu me faire gagner un peu de temps.

  • Y a-t-il une scène, une réplique ou un dialogue que tu as traduit/adapté et dont tu te souviendras toujours ?

Tous les dialogues de L’Ombre d’un mensonge, de Bouli Lanners, sorti en France en 2022. Ce film se déroule sur l’île écossaise de Lewis et le cinéaste-comédien belge l’a tourné presque entièrement en anglais, à l’exception de deux scènes en français, que mon ami Ian Burley a sous-titrées en anglais pour la version originale, dont le titre est Nobody Has to Know.

Comme dans ses films en français, Bouli Lanners a écrit, pour L’Ombre d’un mensonge, des répliques très épurées, parfois déconcertantes. Ces dialogues ne disent souvent que le strict minimum et c’est au spectateur de comprendre peu à peu les situations et les rapports entre les personnages.

Le même souci d’épure s’est imposé à l’écriture des sous-titres français, souci accentué par le contexte singulier dans lequel ce travail a eu lieu, au fil de l’année 2020. Les longues interruptions dues aux confinements alors en vigueur en Belgique (pays de production du film) et en France ont amené le cinéaste à retravailler plusieurs fois son montage et à épurer encore ses dialogues, en supprimant ici et là quelques répliques, mais aussi en ajoutant des scènes qui ne figuraient pas dans le premier montage dont j’avais disposé. C’est au terme de quatre versions différentes que j’ai pu faire la simulation à Bruxelles fin 2020, avec la participation de Bouli Lanners. Un bonheur !

  • Comment as-tu su que c'était le bon moment pour rejoindre le CA ?

J’ai été membre du CA de 2018 à 2020, puis à nouveau en 2025, avec l’intention de poursuivre en 2026. Auparavant, j’avais participé à la belle aventure de L’Écran traduit, avec Anne-Lise Weidmann, Samuel Bréan et Till Zimmermann. Il me semblait que le temps était venu de contribuer sous une nouvelle forme à la vie de l’association et à la défense de nos métiers. Je me suis engagé notamment pour faire entendre la voix de l’ATAA auprès des institutions, à la suite du rapport « L’auteur et l’acte de création » de Bruno Racine, qui, entre autres, entendait créer un nouvel organisme de sécurité sociale pour les artistes-auteurs. Sur ce point, on a aujourd’hui l’impression d’avoir piétiné depuis trois ans. Mais il en faut plus pour me dissuader de l’engagement associatif !

  • Quelle expérience ou expertise personnelle aimerais-tu mettre davantage au service de l'ATAA dans les mois à venir ?

Celles que je mets déjà depuis plusieurs années au service de l’association, notamment au sein de l’AVTE, notre fédération européenne des associations de traducteurs de l’audiovisuel. L’ouverture sur l’international me paraît indispensable si nous voulons défendre et promouvoir efficacement nos métiers car beaucoup de choses se jouent aujourd’hui à l’échelle européenne et mondiale. Notamment cette satanée IA, contre laquelle il faut combattre sans relâche, en traduction comme dans bien d’autres domaines. Le recul que m’offrent quelques décennies d’activité me permet de comprendre qu’il ne s’agit pas simplement d’une nouvelle étape technique, comme l’arrivée de l’informatisation, de la vidéo, puis du numérique dans nos professions. C’est une destruction de nos savoir-faire et de notre créativité qu’il faut dénoncer, non seulement pour préserver notre gagne-pain, mais pour le respect des œuvres – quelle que soit leur qualité artistique – que nous traduisons et pour le respect du public.

  • Qu'as-tu découvert sur l'association ou sur le métier en intégrant le CA, que tu ne soupçonnais pas avant ?

La grande diversité de ce qu’on appelle aujourd’hui la traduction audiovisuelle, qui comprend la localisation de jeux vidéo ou l’audiodescription, par exemple. Mais aussi, malheureusement, le grand cloisonnement entre les métiers en fonction du débouché des œuvres traduites, des conditions de travail et de rémunération. Pourtant, nous devrions toutes et tous être logés à la même enseigne, que l’on ait pour client un distributeur ou un prestataire technique.

  • Quel changement récent dans le secteur te semble le plus déterminant pour notre avenir ?

La question de l’IA est LE sujet d’actualité, dans tous les domaines de traduction d’ailleurs. Nous vivons actuellement, non pas une période de transition comme nos métiers en ont connu par le passé, mais un basculement dont tout le monde ne semble pas encore mesurer la gravité. Pour ma part, et bien que je ne sois évidemment pas au début de ma carrière, je ne peux pas rester les bras ballants face à ce bouleversement.

  • Quelle est la meilleure leçon que tu aies apprise depuis tes débuts, et que tu aimerais transmettre aux nouvelles et nouveaux arrivant·es ?

Solidarité et joie du travail collectif.

Commençons avec Julie Verdalle, celle qui n'a pas eu peur de sauter dans le grand bain en se proposant de devenir secrétaire adjointe dès son premier mandat au sein du CA.

Quand tout semble partir à vau-l’eau, c’est réconfortant de se dire qu’au moins, on ne reste pas sans rien faire.
  • Quel a été le déclic qui t’a donné envie de te lancer dans la traduction ou l’adaptation audiovisuelle ?

J’ai toujours aimé jouer avec les mots. Quand j’avais 10-11 ans, frustrée de ne pas comprendre mes chansons anglophones préférées, j’ai entrepris de les traduire munie seulement d’un dictionnaire bilingue et des fiches de paroles qu’on trouvait dans Star Club (instant nostalgie). Le résultat au mot à mot ne voulait pas dire grand-chose, mais j’ai adoré l’exercice. La preuve, 20 ans plus tard, je continue ! (à traduire, pas à faire du mot à mot…) Et mon esprit joueur apprécie les contraintes liées à l’audiovisuel : il n’y a rien de plus satisfaisant que de trouver LE bon mot qui rentre dans le temps imparti.

  • Quel projet a constitué pour toi le plus grand défi technique, artistique ou humain ?

À ce jour, je reste traumatisée par une émission sur la pêche à la carpe. Un intervenant qui explique d’un ton monocorde pendant 40 minutes comment il fabrique ses propres bouillettes (je vous laisse googler), des termes extrêmement techniques, un script bourré de fautes… J’ai cru ne jamais m’en sortir, et ce, malgré de longues heures passées sur d’obscurs forums de carpistes. Un cauchemar !

  • Y a-t-il une scène, une réplique ou un dialogue que tu as traduit/adapté et dont tu te souviendras toujours ?

Aïe aïe aïe, j’aurais dû prendre des notes au cours des 10 dernières années ! Mais en me creusant un peu la tête, une scène me revient. Dans une émission de divertissement du type The Bachelor, le présentateur demande à un jeune homme quelle loi il aimerait faire passer aux États-Unis. Ce dernier répond : I would ban all guns. The only guns that are allowed are these guns right here (en argot, guns désignent des bras musclés). Et évidemment, il dit ça en roulant ostensiblement des mécaniques. Je l’ai traduit par : « J'interdirais la peine de mort. Car ici, le seul bourreau des cœurs, c'est moi. » J’avoue que je suis assez contente de ma trouvaille !

  • Comment as-tu su que c’était le bon moment pour rejoindre le CA ?

Plus que jamais, je trouve que l’état du monde actuel donne envie de s’engager et de retrouver un sentiment de communauté. Cela faisait un moment que je me disais « Quand même, ils ont bien du courage à l’ATAA, avec tout ce qu’il y a à faire », mais sans vraiment pousser la réflexion plus loin. Alors, quand le CA édition 2024 a lancé un appel aux candidatures, je me suis dit que c’était l’occasion de me bouger les fess… De m’investir et d’apporter ma petite pierre à l’édifice. Quand tout semble partir à vau-l’eau, c’est réconfortant de se dire qu’au moins, on ne reste pas sans rien faire.

  • Quelle expérience ou expertise personnelle aimerais-tu mettre davantage au service de l’ATAA dans les mois à venir ?

Je compte garder mon rôle de secrétaire adjointe et aider à ce que les rouages de la machine tournent sans encombre. La logistique et l’organisation sont mes domaines de prédilection, donc j’essaie de m’atteler aux chantiers où cela s’avère le plus utile. Vu que je fais partie du comité du Prix Jeux Vidéo, qui se tiendra pour la première fois au printemps 2026, j’imagine que j’aurai de quoi faire !

  • Qu’as-tu découvert sur l’association ou sur le métier en intégrant le CA, que tu ne soupçonnais pas avant ?

Quand on est simplement adhérent·e, on ne se rend pas compte de la quantité de travail abattue par le CA. Personnellement, j’ai été stupéfaite par le nombre de réunions, tables rondes, conférences, débats… auxquels participe l’ATAA, en France et ailleurs. Pour nos membres les plus actives, c’est un engagement extrêmement chronophage. Mais à côté de ça, personne ne vous met la pression. Toute aide est la bienvenue, et chacun·e participe autant qu’il ou elle le souhaite. Enfin, sur le plan personnel, je craignais de me sentir un peu isolée vu que j’habite à Toulouse. Et en fait, absolument pas : j’ai été accueillie à bras ouverts et j’ai fait des tas de belles rencontres. Bref, aucun regret !

  • Quel changement récent dans le secteur te semble le plus déterminant pour notre avenir ?

Hélas, comment répondre autre chose que l’IA ? Je ne vais pas répéter ce que nous savons déjà tous et toutes, mais il est important de rappeler aux gens qu’ils ont encore le choix. Non, vous n’êtes pas obligés de vous contenter d’adaptations médiocres ! Quand vous tombez sur une traduction truffée de fautes, illisible, calquée sur la VO, découpée n’importe comment… N’hésitez pas à vous plaindre haut et fort et à faire remonter l’information. Nous méritons de continuer notre métier dans de bonnes conditions, et vos œuvres préférées méritent des adaptations qui leur rendent justice. Ne baissons pas les bras !

  • Quelle est la meilleure leçon que tu aies apprise depuis tes débuts, et que tu aimerais transmettre aux nouvelles et nouveaux arrivant·es ?

Réfléchissez bien avant de contacter l’URSSAF : pour chaque minute passée au téléphone avec eux, vous perdrez une année d’espérance de vie ! Bon, blague à part, je leur conseillerais de faire une séparation nette entre vie pro et vie perso. Ne travaillez pas (tous) les week-ends, ne consultez pas vos mails le soir, et gardez en tête que nous ne sommes pas médecins ou pompiers : rien n’est vraiment « urgent » dans notre métier, contrairement à ce que certains clients essaieront de vous faire croire un vendredi à 17 h.

Rencontre avec le jury 2025 du Prix de la traduction de documentaires audiovisuels

Cristina Fernandez, Cécile Piot, Pauline Lelièvre, Lola Wagner et Isabelle Brulant

Isabelle Brulant, traductrice (lauréate du Prix documentaires 2024)

Cristina Fernandez, traductrice (finaliste du Prix documentaires 2024)

Pauline Lelièvre, traductrice et directrice artistique

Cécile Piot, responsable accessibilité chez Vectracom

Lola Wagner, traductrice (mention spéciale du Prix documentaires 2024)


  • Que vous a apporté cette expérience de jurée ?

Lola Wagner : C’était tellement intéressant ! J’ai eu l’impression de retourner à l’école et de travailler sur des études de cas. L’accès à la VO nous a donné l’occasion de comparer différentes techniques de traduction. J’ai été profondément impressionnée par une adaptation en compétition, dont le texte – entièrement réécrit – était devenu si fluide et imprégné de la patte de l’autrice. Depuis, je me sens moins frileuse à l’idée d’adopter cette technique qui consiste à s’éloigner du texte source, et à ne garder que le contenu factuel pour réécrire des passages qui l’exigent. C’est une approche que je m’étais toujours interdite, de crainte que mes clients me reprochent de ne pas respecter la VO. Mais, n’est-il pas plus intéressant de donner une identité au texte ? Selon moi, c’est ce qui peut faire la différence ou le tri entre les meilleur.es auteurices et les autres : la personnalité et le ton donnés à une traduction. Or, ce n’est pas à la portée de toustes. Je suppose que certain.es adaptateurices de fiction sont reconnaissables à leur style, et qu’iels sont justement recherché.es pour cette qualité…

Pauline Lelièvre : L’exercice de jurée m’a fait me remettre en question. En tant que DA, je vois passer beaucoup de textes, mais je ne les étudie pas, ni ne scrute les détails. En tant que jurées, nous avons dû travailler sur la démarche d’écriture, nous interroger sur la meilleure manière de traduire certaines phrases et sur les choix de certaines formulations. Désormais, je pose un œil différent sur les textes. Cela va influencer mon activité de directrice artistique.

Cristina Fernandez : Personnellement, cela m’a donné l’occasion de prendre du recul. Je traduis depuis maintenant 18 ans, pourtant l’exercice de jurée m’a fait me rendre compte d'une autre manière combien l’adaptation s’avère un travail difficile, une discipline ardue. J’ai ressenti de l’empathie pour le travail de mes collègues, et peut-être pour moi-même. Notre métier, passionnant et fascinant, requiert une grande exigence pour rendre la beauté et la poésie à un texte traduit. En voice over, notamment, il faut vraiment respecter le rythme de la langue de la VO, travailler le phrasé et la mélodie d’un texte.

Cécile Piot : Être jurée a été une expérience extraordinaire, intellectuellement beaucoup plus compliquée que ce que j’avais imaginé. Quel enrichissement d’échanger avec des professionnelles qui n’ont pas les mêmes références que moi ! Aujourd’hui, je ressens encore plus d’humilité et de respect pour le talent de mes co-jurées et des adaptateurices en compétition. De par mon métier, j’ai surtout porté mon attention sur la version française. Mon anglais n’est pas assez pointu pour juger chaque détail et je n’ai pas la prétention de saisir chaque formule idiomatique, alors que mes co-jurées étaient des killeuses d’une précision extraordinaire : sur 840 sous-titres, elles étaient capables de détecter la moindre coquille, ou erreur d’accord, sans parler évidemment des approximations et des contresens. Pour les programmes non anglophones, le comité de sélection a fait un gros travail de vérification en amont et je m’assurais principalement que l’ensemble du documentaire était compréhensible.

  • Si vous postuliez au Prix de l'ATAA, quel documentaire proposeriez-vous ?

Pauline Lelièvre : Je présenterais un programme dont je suis fière, à la thématique intéressante et auquel j’aurais pu donner une voix, un ton et ma patte personnelle. En bref, un programme sur lequel on sentirait mon empreinte. Ou bien je choisirais un programme dont la VO est catastrophique, comme ce documentaire sur le Titanic que j’avais entièrement dû réécrire en raison d’intervenants peu habitués aux interviews, commençant des phrases sans jamais les finir, et totalement confus… J’avais repris l’ensemble des informations du programme et tout réorganisé afin de rendre le contenu compréhensible.

Cristina Fernandez avec Marielle Lemarchand, lauréate
  • En quoi l’adaptation de Marielle Lemarchand, lauréate 2025, s’est-elle distinguée ?

Isabelle Brulant : Le documentaire traduit par Marielle a été visionné parmi les tout derniers programmes en compétition. Pour nous, cela a sonné comme une évidence. Son travail était parfait de bout en bout. Il faut avoir conscience que nous devions départager des professionnel.les de haute volée. Pour faire un choix, nous avons décortiqué chaque détail, traqué la plus minuscule erreur… Le choix n’a pas été facile.

Lola Wagner : C’est vrai, nous avons cherché la petite bête et chipoté sur tout. Pourtant, il n’y avait rien à redire. Personnellement, j’ai adoré du début à la fin ! Le texte de Marielle était bien documenté et fluide. Elle a même su rendre compréhensible l’intervention d’un chercheur qui baragouinait de l’anglais.

Cécile Piot : Au sein du jury, il n’y a jamais eu d’unanimité sur aucun sujet : nos débats ont été passionnés et passionnants. Mais l’adaptation de Marielle était tout simplement la meilleure. En parallèle des passages très scientifiques qui nécessitaient un vocabulaire précis, il y avait des moments d’émotion entre la joie d’une découverte et la consternation de mettre au jour une famille écrasée par l’effondrement de son toit. Avons-nous eu la sensation d’être plongés dans l’histoire ? Avons-nous eu le sentiment de faire partie de cette équipe d’archéologues ? La réponse est oui !

Cristina Fernandez : L’ensevelissement de Pompéi est en effet une tragédie. Dans le documentaire, les archéologues cherchent des vestiges et retrouvent des squelettes. Marielle a su adapter le texte avec sensibilité et tact. Selon moi, elle a traduit avec son cœur. C’était touchant. J’avais une sensation de facilité, de fluidité et d’une parfaite maîtrise de la langue. Rien ne donnait l’impression d’une traduction. Pour nous traducteurices, il n’existe pas de plus beau compliment.

Lola Wagner avec Laurence Dupin, finaliste
  • Les deux autres documentaires finalistes semblaient plus complexes que Pompéi, ses nouveaux secrets (Arte). Quelles étaient leurs qualités ?

Pauline Lelièvre : Je ne pense pas que la complexité d’un programme, par exemple très scientifique dont la difficulté est d’être compréhensible, donne davantage de crédit à l’auteurice. Un programme peu technique relève d’un autre défi : insuffler une force au texte, éviter qu’il soit plat. Pour moi, cela représente une difficulté égale. Aussi, Pompéi n’a rien à envier aux deux autres documentaires finalistes, par ailleurs très méritants pour la justesse de leur ton, adapté à chacun des programmes. Au travers du texte, nous sentions la musicalité de chacun des artistes.

Cristina Fernandez : En effet, le documentaire Luigi Nono, le son de l’utopie, adapté par Laurence Dupin, relevait d’une autre complexité. Il fallait s’accrocher ! C’était un travail davantage technique. Je ne pouvais pas juger des langues sources, sachant que je ne parle ni allemand ni italien, mais j’ai admiré la version française composée de très belles tournures. Dans le documentaire Miúcha, la voix de la bossa nova, adapté par Danielle Marques, le texte collait à la voix de cette chanteuse brésilienne : aussi lumineux et sensible que l’artiste. J’ai aussi adoré le sous-titrage à la fois léger et dynamique, ainsi que le choix d’adapter ou non certaines chansons.

Lola Wagner : Je suis d’accord : le programme sur Luigi Nono n’était pas un sujet facile, même sans parler de sa musique inécoutable. La complexité venait du mélange de sous-titres et de voice over, d’allemand et d’anglais, ainsi que des termes de musicologie. En tant que seule germanophone du jury, j’avoue que j’étais à l’affût du moindre détail. Mais certaines notions s’avéraient très abstraites. J’ai souvenir de ce chef d’orchestre expliquant aux musiciens son intention pour l’interprétation d’une partition : quel défi pour comprendre et traduire ! Ce programme aurait probablement été impossible à adapter pour une personne ignorant tout du monde de la musique ou ne jouant d’aucun instrument. Le documentaire sur Miúcha, multilingue également, relevait aussi d’une promesse technique. Son adaptation a su capter l’essence du personnage. Ce n’était jamais plat.

  • Les trois programmes finalistes sont des documentaires diffusés par Arte. Que faut-il en déduire ?

Lola Wagner : Cela tient du hasard si les trois documentaires finalistes avaient pour diffuseur Arte. Pompéi aurait tout aussi bien pu être un programme National Geographic, je n’aurais pas vu la différence. Néanmoins, c’est probablement le signe de bonnes conditions de travail.

Cristina Fernandez : Pour moi, ce n’est pas une surprise. Même s’il y a des différences de tarifs flagrantes entre les programmes proposés pour Arte Web et ceux destinés à l'antenne, les conditions de travail y restent correctes. La qualité se remarque et on fait très franchement la différence entre un programme qui a été relu et un autre qui ne l’a pas été (comme souvent sur certaines plateformes).

Isabelle Brulant : Je suis d’accord : ce tiercé Arte tient au fait que les conditions de travail y sont meilleures. Il me semble aussi que les candidats proposent en priorité des documentaires Arte car leurs thématiques s’avèrent souvent plus complexes. Il s’agit de sujets de niche qui en jettent.

Pauline Lelièvre : C’est aussi mon avis : cela est révélateur d’un biais de la part des auteurices qui considèrent les programmes Arte comme nécessairement qualitatifs. Ils sont perçus comme le Graal. Or, le jury ne se base absolument pas sur le contenu pour juger une traduction.

Cécile Piot : Moi, j’ai envie de dire : CQFD ! Force est de constater que le résultat est meilleur lorsqu’un client donne davantage de temps et de moyens à ses auteurices. Le problème de la qualité devient tangible pour tous les diffuseurs qui ne font plus de vérifications. Or, nous entrons dans une ère où la qualité importe moins. Depuis les 20 dernières années, nous assistons à une explosion technique et à une révolution en matière de diffusion entre Internet, les plateformes et les réseaux sociaux. Il y a une course au contenu, toujours plus et plus vite. La qualité est devenue une victime collatérale. Sans l’assise d’une chaîne publique, les diffuseurs – et les labos – n’ont qu’une obsession : les chiffres. D’un autre côté, je vais me faire l’avocat du diable : quand je vois les gens regarder les contenus en accéléré dans le métro, je me demande s’il faut continuer à se donner autant de peine ? Faut-il continuer à rechercher la labiale parfaite, ou le synonyme à cinq caractères au lieu de sept ?

Cécile Piot avec Danielle Marques, finaliste
  • Dans l’écosystème de la traduction, pourquoi la voice over semble-t-elle déconsidérée ?

Lola Wagner : Je ne sais pas ce que pensent les auteurs de fiction de la voice over et de nous. Est-ce qu’ils nous voient vraiment comme des nuls ?

Pauline Lelièvre : Il est vrai que la voice over était dénigrée. Personne ne voulait en faire. Mais ce statut est en train de changer. Beaucoup de traducteurs et de DA commencent à s’y intéresser, faute d’autres projets. Quoi qu’il en soit, la voice over est une technique à part entière. Cela demande du travail sur la poésie et sur le rythme, pour faire passer des pavés d’explication. C’est un travail exigeant. Même pour les comédiens, cela se joue très différemment d’un doublage synchro : il y a moins de jeu, il faut du recul, poser davantage sa voix...

Isabelle Brulant : Pour les labos, la production d’une voice over se fait toujours à perte. Cela est perçu comme une prestation technique. Seul le doublage syncho a une réelle aura dans notre secteur. C’est pour cette raison que beaucoup d’adaptations en voice over sont réalisées à l’étranger. Pris de haut par les labos, les DA et les comédiens, ce genre est placé tout en bas de la hiérarchie car l’exercice est jugé facile. Certains refusent catégoriquement de travailler sur de la voice over. Cependant, lors de la cérémonie, j’ai été heureuse de voir que les traductrices finalistes aimaient véritablement le documentaire et que ce n’était pas un pis-aller pour elles.

Cristina Fernandez : J’ai l’impression que la voice over est parfois considérée comme ce cousin que l’on n’ose pas montrer. Pourtant, en documentaire, il ne faut pas se louper. Il faut effectuer des recherches pointues et être exact dans la transmission de l’information. D’autant que les documentaires s’avèrent toujours très bavards et très prenants. C’est dommage que cela ne soit pas mis sur le même plan que la fiction.

  • Avec Marion Chesné, vous avez mené une enquête sur l’évolution de la rémunération en voice over depuis 2000. Comment s’est constitué ce collectif ?

Pauline Lelièvre : Le collectif s’est monté car nous étions las.ses des tarifs bas. À 10€/minute (moins que le Smic), cela n’est ni viable, ni à la hauteur de notre expertise. Lorsque nous avons tenté de renégocier nos rémunérations auprès des labos et des diffuseurs, on nous a claqué la porte au nez. Chacun se renvoyait la balle et rejetait la responsabilité des tarifs bas sur l’autre. Par exemple, M6 nous a affirmé qu’ils proposaient des tarifs supérieurs pour un documentaire pointu – par exemple sur la physique quantique – comparativement à un programme contemplatif. Pourtant, je peux affirmer que les labos, eux, ne font aucune différence. Mais qui dit vrai ? C’est pour cette raison que nous avons décidé de lancer un recensement auprès des adaptateurices. Le sondage a été réalisé en février et il a fallu plusieurs mois pour trier les données et les mettre en forme. Pour nous, la prochaine étape est de reprendre contact avec les labos pour renégocier les tarifs, données à l’appui.

Isabelle Brulant : En effet, cette enquête nous a permis de prouver que les rémunérations s’étaient effondrées, et aussi de visualiser dans quelle mesure. Bien que les tarifs les plus bas aient légèrement augmenté, les plus hauts ont baissé de manière drastique. L’évolution a été sournoise : cela est passé presque inaperçu. Le forfait s’avère notamment une rémunération injuste car elle ne s’appuie sur aucun critère de volume. Et si un forfait se trouve être bien payé, cela relève surtout du coup de chance. Il est bien rare que cela soit à notre avantage.

Marion Chesné, membre du collectif voice over
  • L’intelligence artificielle bouleverse tous les métiers. Quel impact a-t-elle sur votre pratique professionnelle ?

Isabelle Brulant : À titre personnel, ma conscience professionnelle me retient d’utiliser l’IA. Cela reviendrait à couper la branche sur laquelle nous sommes assis. Sauf à lui confier des tâches répétitives et rébarbatives, ou pour des recherches de glossaire. Certains labos estiment que les seules issues pour les auteurices seraient de devenir expert.es dans la rédaction de prompts ou de se spécialiser dans la traduction ultra haut de gamme pour des programmes « luxe ». Une certitude : les projets tarissent, car les diffuseurs disposent désormais d’un fonds de catalogue suffisant pour leurs abonnés, public captif.

Lors d'une réunion avec l'ATAA, TransPerfect, qui vient de racheter EVA, a déclaré que le travail de traduction allait disparaître et que d’ici cinq ans, il n'y aurait plus rien. Aujourd’hui, nous nous sentons comme cet orchestre qui continue à jouer alors que le Titanic est en train de couler. Il faut savoir que le projet Arte GEIE (Groupement Européen d'Intérêt Économique), traduit en 6 langues utilise aujourd’hui 25 % d’IA pour ses adaptations, et que l’objectif est d’atteindre 50 % d’ici fin 2026, car ses financements européens sont conditionnés à l’utilisation de l’intelligence artificielle. Alors comment lutter ? C’est totalement schizophrène. Et, échanger ouvertement avec les labos sur la question de l’utilisation de l’IA ne mènerait peut-être nulle part car ce qui nous fait gagner du temps n’est pas ce qui leur fait gagner de l’argent. Néanmoins, l’IA ne restera pas gratuite pour toujours. Chose que les laboratoires ne réalisent pas encore.

Cécile Piot : Que TransPerfect prédise la disparition des traducteurices ne me surprend pas. L’intelligence artificielle est à la base de leur métier. Désormais, le loup est entré dans la bergerie… Mais, si j’étais traductrice, je testerais l’IA afin d’évaluer le gain de temps. En 2025, on ne peut pas se mettre la tête dans un trou en ignorant cette évolution technologique. Sinon, les autres partent devant... Il faut vivre avec son temps et accepter que des métiers disparaîtront : nous sommes tous dans le même bateau qui prend l’eau. Dans mon poste actuel, je m’occupe d’accessibilité, SME et audiodescription. Aujourd’hui, je n’utilise pas l’IA, mais c’est une question de mois, voire de semaines. En interne, nous menons évidemment des expériences pour tester ses capacités. D’autant que certains clients n’ont aucune considération pour la qualité, seul le tarif les intéresse. En parallèle, je m’interroge : même si l’IA nous tue tous, n’est-ce pas également un extraordinaire outil d’accessibilité ? À son époque aussi, Gutenberg avait été décrié car on considérait dangereux que les livres pénètrent dans chaque foyer. À ce jour, certains diffuseurs sélectionnent quels programmes bénéficieront d’une audiodescription ou d’un sous-titrage pour sourds et malentendants. Mais de quel droit jugent-ils qu’un programme vaut mieux qu’un autre ? Avec l’IA, il sera désormais possible de diffuser auprès de tous les publics et d’accéder à tous les programmes. De mon point de vue, mieux vaut une extra culture qu’une cancel culture. Mais une question demeure : quand les diffuseurs utiliseront l’IA pour le doublage et le sous-titrage (au sens large), que deviendront les labos ?

  • D’ici que les labos perdent leur rôle d’intermédiaires entre les diffuseurs et les adaptateurices, l’IA ne pourrait-elle pas être utile dans vos métiers, par exemple pour les tâches non rémunérées ?

Lola Wagner : Moi, je m’en sers déjà pour rédiger les guides de prononciation à destination des comédiens. Sur mes instructions, ChatGPT retranscrit en « phonétique » mes listes de mots et de noms. Peut-être que cela ne me fait gagner que 15 minutes, mais c’est parfait pour ce type de travail. Concernant les droits d’auteur, j’ai aussi testé l’IA pour repérer plus facilement l’ensemble des diffusions de mes programmes dont certains tournent depuis 15 ans, changent de titres, ou sont rediffusés sur des chaînes auxquelles je ne m’attends pas. Les résultats semblent probants, même si je ne fais pas encore suffisamment confiance à cet outil. Je préfère tout vérifier scrupuleusement. Mais à terme, cela pourrait représenter un gain de temps significatif pour mes déclarations à la Scam, et également dans la vérification de mes relevés de droits comptant fréquemment une centaine de pages et une multitude de paiements à 0,30 euros par diffusion.

Cristina Fernandez : Dans une démarche éclairée, l’intelligence artificielle peut aussi être utile pour nos recherches documentaires (au même titre que Google) ou pour toutes les tâches qui relèvent d’un travail technique. Par exemple, on pourrait utiliser ChatGPT pour remettre en forme certains scripts afin de les rendre compatibles avec nos logiciels, tâche fastidieuse et chronophage si elle est faite à la main. Dans ce cas, on se libère du temps pour se consacrer à la traduction. Cependant, l’intelligence artificielle ne permet certainement pas d’insuffler du vivant ou du réel à une traduction ou à une voix. On nous présente les voix produites par IA comme parfaites, seulement le résultat perd de sa saveur. Bien sûr que le texte est fluide, qu’il n’y a aucune hésitation. Mais selon moi, les imperfections aussi ont leur intérêt.

Pauline Lelièvre : Oui, il suffit de se souvenir du scandale autour du clonage de la voix du comédien Alain Dorval décédé en 2024, pour le doublage des nouveaux films de Sylvester Stallone. Les résultats étaient catastrophiques. Même chose pour la post-édition où la révision prend autant de temps qu’une traduction ex nihilo. Avec l’IA, il manquera toujours la poésie, la justesse des termes techniques et même le naturel. Et n’oublions pas que 82 % des Français regardent la version française des programmes ; ils sont attachés à la qualité des adaptations. Cela fait partie de notre culture : selon moi, le public n’est pas prêt à y renoncer. Quoi qu’il en soit, je me refuse à utiliser l’IA, que ce soit pour des tâches rémunérées ou non. Même un résumé d’épisode ou la traduction d’un générique technique ne peuvent être délégués à une intelligence artificielle. Selon moi, nous sommes loin de voir l’IA réussir mieux que nous. Sans parler du fait que l’IA peut être un gouffre financier : il n’y a qu’à compter le nombre d’entreprises en intelligence artificielle qui ont déjà fait faillite… Personnellement, j’envisage l’avenir sous un jour plutôt positif.

Pauline Lelièvre
Isabelle Brulant

Crédit photo : Brett Walsh

Journaldécembre 2025

Vie de l'ATAA
03/12Portes ouvertes

Marielle Lemarchand remporte le Prix de la traduction de documentaires audiovisuels 2025

Jeudi 6 novembre 2025, lors de sa cérémonie annuelle, le jury du Prix ATAA de la traduction de documentaires audiovisuels a récompensé Marielle Lemarchand pour son adaptation irréprochable de Pompéi, ses nouveaux secrets (Arte). Une récompense d’autant plus méritée que le Prix connaît pour sa 8ème édition, un succès inédit avec une cinquantaine de candidatures. La cérémonie, moment de rassemblement professionnel, a également été l’occasion pour le collectif voice-over de présenter les résultats de son enquête sur l’évolution des rémunérations depuis 2000. Mais avant cela, place à quelques chiffres positifs !

Cinquante documentaires, 12 diffuseurs, 17 labos, 2 938 minutes de visionnage ! Les organisatrices du Prix, Madeleine Lombard, Adrienne Golzio et Marie Bocquet se sont félicitées d’un tel succès. Cette année, les candidatures ont quasiment doublé. Faut-il y voir une réponse à l’injonction d’Isabelle Miller, vice-présidente de l’ATAA, encourageant les auteurices à mettre en valeur leur travail ? Ou à l’appel du comité d’organisation incitant les candidatures en documentaire sous-titré ? Toujours est-il que l’arrivée de HBO Max dans le paysage audiovisuel français a eu un effet amplificateur sur le nombre de programmes candidats… Grâce aux binômes de prévisionnage, la sélection s’est affinée afin de ne soumettre que 15 documentaires au jury, composé cette année d’Isabelle Brulant, traductrice (lauréate Prix documentaire 2024), Cristina Fernandez, traductrice (finaliste Prix documentaire 2024), Pauline Lelièvre, traductrice et directrice artistique, Cécile Piot, responsable accessibilité chez Vectracom, et de Lola Wagner, traductrice (mention spéciale Prix documentaire 2024).

Le jury : Cristina Fernandez, Cécile Piot, Pauline Lelièvre, Lola Wagner et Isabelle Brulant

Irréprochable ! C’est dans ces termes que ce même jury a salué l’adaptation de Marielle Lemarchand du documentaire Pompéi, ses nouveaux secrets, épisode 1 "Des corps et des vies". Plus naturelle que la VO, la version française a fait preuve d’une maîtrise totale et d’une grande créativité. Quand nécessaire, Marielle a su s’éloigner de l’original avec dextérité. Le texte technique – du fait des termes d’archéologie et de volcanologie – n’a pas fait obstacle à une narration vivante et poétique, laissant transparaître la personnalité des intervenants et la justesse de leurs émotions.

Finaliste, Laurence Dupin a livré une adaptation inspirée et vivante du documentaire Luigi Nono, le son de l’utopie (Arte), consacré à ce compositeur italien des années 50. Savant jonglage entre allemand et italien, entre sous-titrage et voice-over, le texte s’avère empreint de musicalité et de poésie. Il aura aussi fallu du talent pour retrouver les termes de musicologie, ainsi que certains poètes inconnus de l’Allemagne du XVIIe siècle ; et rendre tous ces propos avec rigueur et précision.

Sur un sujet tout aussi confidentiel, Danielle Marques s’est distinguée par sa traduction de Miúcha, la voix de la bossa nova (Arte), documentaire racontant la vie de la chanteuse compositrice brésilienne Heloísa Maria Buarque de Hollanda. Moment de pur bonheur, la version française de Danielle a su entraîner le spectateur dans ce programme à la fois artistique et psychédélique, et su faire entendre toute la rage et la détermination de cette femme décidée à exister dans un univers d’hommes à l’égo surdimensionné.

Laurence Dupin, Marielle Lemarchand et Danielle Marques

« Surdimensionné » serait bien impropre pour qualifier les rémunérations pratiquées en traduction voice-over. C’est la conclusion du collectif voice-over – constitué d’Isabelle Brulant, de Marion Chesné et de Pauline Lelièvre – qui après plusieurs mois d’enquête, a présenté un état des lieux des tarifs en voice-over. Leur volonté était de disposer de chiffres concrets sur l’évolution des rémunérations entre 2000 et 2025 auprès de 6 grands groupes de diffusion, à savoir Discovery, Canal, M6, TF1, RMC et Disney, et auprès des 27 labos prestataires [en 2025, seuls 17 existent toujours]. La conclusion s’avère sans appel : aujourd’hui, entre l’augmentation du coût de la vie et la baisse des rémunérations, les adaptateurices de voice-over doivent travailler deux fois plus pour se payer un plein de carburant. En outre, la profession connaît aujourd’hui des périodes d’inactivité de plus en plus fréquentes et des retards de paiement créant une grande instabilité financière ne permettant plus à beaucoup de vivre de leur activité. Le collectif recommande aujourd’hui de proscrire les rémunérations au forfait trop souvent défavorables, au profit du tarif à la minute et au feuillet, et de généraliser les avances, avec pour objectif de ne pas être réduits à une variable d’ajustement. Enfin, un débat est aujourd’hui lancé sur la possibilité de mettre en place un revenu de remplacement.

Présentation du collectif voice over
Le collectif voice over : Isabelle Brulant, Marion Chesné, Pauline Lelièvre

Sur une note plus optimiste, Franck Laplanche, directeur général adjoint de la Scam a annoncé qu’un accord venait d’être signé avec Apple TV, et que d’autres suivraient très probablement, tels que Paramount ou Universal. Et bien que les négociations avec les diffuseurs prennent du temps, les droits à percevoir demeurent rétroactifs, à l’instar de Netflix qui avait dû s’acquitter de 5 années d’arriérés. Et même si « scam » signifie « arnaque » en anglais, et que cette blague a tordu de rire les représentants de Meta lors d’une première rencontre, tous restent contraints de signer un accord1.

L’arrivée de la SVOD, comme celle des chaînes thématiques à leur époque, a constitué une révolution pour la profession dont les effets se font encore sentir. En 2024, sur les 758 traducteurs ayant perçu des droits, 337 avaient travaillé pour Netflix. Aujourd’hui, les droits versés par la Scam ont augmenté de 30 % lesquels proviennent des plateformes. La SVOD a également constitué une révolution pour la Scam, qui s’est retrouvée – de manière tout à fait inédite – à négocier avec ces grands acteurs internationaux. Aussi, la formule d’accueil de Rémi Lainé, ancien président de la Scam, s’avère plus que jamais appropriée : « Bienvenue chez vous ! »2

Franck Laplanche, directeur-général adjoint de la Scam

Crédit photo : Brett Walsh

Journalnovembre 2025

Prix ATAA
06/11Prix ATAA de l'adaptation de documentaire à la SCAM

Journaloctobre 2025

Institutions
23/10Rendez-vous ATAA - SCAM
Associations soeurs
20/10Réunion de l'AVTE
Vie de l'ATAA
18/10Point contact
Cinéma
17/10Participation à la table ronde L’I.A. pour le sous-titrage et le doublage des films de patrimoine, Marché International du Film Classique
Associations soeurs
13/10Rendez-vous avec la CST et la FICAM
Vie de l'ATAA
13/10Matin : réunion du conseil d'administration
Associations soeurs
06/10Réunion de l'AVTE
Associations soeurs
02/10Réunion du groupement audiovisuel au SNAC

On arrête quand le foutage de gueule ?

La place de l'auteur dans l'audiovisuel est pour le moins ingrate et les traductrices et traducteurs spécialisé·es en doublage, sous-titrage et voice over font les frais d'un nombre incalculable de crasses au cours de leur carrière.

Procédons à quelques rappels de base, liste non exhaustive.

Rappelons le principe de base qui régit la relation commerciale entre un auteur et son client (prestataire technique, producteur, diffuseur...) : l’auteur n’est PAS un salarié, ni un employé à qui l’on impose des conditions, c’est un INDÉPENDANT avec qui on négocie.

  • Lui imposer un tarif : NON

L'auteur est un indépendant et en tant que tel, c’est à lui de fixer son tarif. Qui entre dans une boulangerie et balance à la figure de l'artisan-boulanger une pièce de 50 centimes pour lui acheter une tartelette à la framboise ?

  • Lui imposer un tarif sorti de derrière les fagots ou qui correspond à ce qui se pratiquait il y a 15 ou 20 ans : NON

Un auteur est souvent diplômé Bac+5 et doit faire des recherches dans plein de domaines différents, en plus de mettre son talent d’écriture au service de l’œuvre qu'on lui confie. Le savoir, l’expérience, le temps, ça se paie. Sans compter le coût de la vie qui augmente…

  • Rémunérer un travail qui doit être fait en urgence, le weekend, dans de mauvaises conditions (sans script, etc.) sans revalorisation : NON

L’auteur peut accepter de dépanner son client, mais quand les conditions professionnelles ne sont pas réunies, il faut payer plus, c’est NOR-MAL !

Journalseptembre 2025

Relations avec les clients
29/09Rendez-vous avec Transperfect (Arte en six langues)
Associations soeurs
29/09Réunion de l'AVTE
Institutions
29/09Réunion de concertation dialogue social, ministère de la Culture
Associations soeurs
22/09Réunion de l'AVTE
Institutions
16/09Conseil d'administration et assemblée générale extraordinaire de la SSAA
Institutions
15/09Rendez-vous avec la SACEM
Associations soeurs
15/09Réunion de l'AVTE
Associations soeurs
08/09Réunion de rentrée intersyndicale
Vie de l'ATAA
01/09Réunion du conseil d'aministration

Un pluriel bien singulier

"Why are they awake?" demande l'enquêtrice. Nous sommes dans la série Flashforward (2009). La population de la planète entière a perdu connaissance au même instant pendant 2 minutes et 17 secondes. Dans le premier épisode, des agents scrutent des images de télésurveillance : lors du black-out collectif, une silhouette déambule dans les gradins d'un stade au milieu d'une foule de spectateurs inanimés. Les images sont de qualité médiocre, mais il est évident qu'il s'agit d'une seule personne. Alors, pourquoi l'actrice dit-elle "they" ? (1)

Cette réplique m'avait déjà interpellée lors du premier visionnage de cette série, revue un peu par hasard récemment. C'était la première fois que je remarquais un exemple flagrant de cet emploi du they singulier.

Contrairement à ce que pourraient croire les non-anglophones, l'emploi du they singulier n'est pas réservé aux personnes qui se choisissent un pronom non genré. Il est maintenant couramment utilisé quand on ignore le sexe de la personne dont on parle, ou lorsqu'on veut préserver le mystère sur son identité, ce qui est pratique dans le contexte d'énigmes policières.

Cet emploi généralisé devenu banal est assez récent pour que son apparition m'ait interpellée comme une nouveauté. D'ailleurs, ce they incongru et déstabilisant que l’on est tenté de traduire par un pluriel vous a peut-être dérouté. Ce fut mon cas. Et la question de dater cette apparition et la généralisation de son usage s'est donc logiquement posée. D'où l'initiation d'un processus de prise de notes et donc de vérification de dates, qui s'est engagé de façon un peu erratique au début et plus systématique ensuite. Je voulais en partager le résultat ici.

Rencontre avec Laure-Hélène Césari

Lauréate du Prix de l’adaptation en sous-titrage d’une série audiovisuelle

Vous avez reçu un prix ATAA pour l’adaptation de la série Brassic dont l’une des principales difficultés est le langage argotique. Avant la création d’Urban dictionary et d’autres outils en ligne, comment aurait-il été possible de traduire Brassic ?

Je pense qu’il aurait fallu un contact en Angleterre pour valider le sens de certaines phrases. D’autant que les personnages de Brassic bidouillent différentes expressions. Grâce à Urban dictionary, il est possible de retrouver des doubles, voire des triples sens. Ces personnages très vivants, qui parlent entre eux de manière codée, sont un véritable challenge à traduire, mais j’adore ça ! On vit vraiment avec eux. On est témoin de leur vie de tous les jours. J’aime aller chercher le terme le plus précis possible, sans que cela soit trop daté afin que la série puisse être regardée dans le temps, et sans perdre le spectateur en utilisant des expressions inconnues.

Peut-être qu’à une certaine époque, une telle série n’aurait jamais été diffusée à l’international. Il s’agit d’un programme atypique, pas du tout mainstream. Même aujourd’hui, peu de gens la connaissent autour de moi. Il faut dire que cette série déjantée à l’humour scatophile n’est pas très engageante de prime abord. Il faut s’y plonger. Avec Mona [Guirguis, co-lauréate du prix ATAA], nous en avons bavé sur la première saison. Il a fallu trouver nos marques. Personnellement, je me suis constitué un fichier Excel avec une série d’insultes, de petites phrases d’argot, ou d’expressions, qui reviennent souvent et pour lesquelles il faut varier les traductions. Il a fallu aller chercher des expressions françaises un peu détournées, mais tout aussi fleuries. De ce point de vue, le dictionnaire Bob est aussi extrêmement pratique.

Crédit photo : Brett Walsh

Rencontre avec Anne Fombeurre

Lauréate du Prix de l’adaptation en doublage d’un film d’animation

Vous avez reçu un prix ATAA pour les dialogues français de Marcel, le coquillage (avec ses chaussures), écrits en collaboration avec Abel-Antoine Vial. Comment avez-vous vécu ce moment ?

Le soir-même, je me suis sentie euphorique. Même si la vie quotidienne a vite repris le dessus, j’étais très heureuse de recevoir ce prix. En déclarant que le film semblait avoir été écrit en français, le jury nous a fait l’un des plus beaux compliments. Après la cérémonie, j’ai loué le film en VOD et ai regardé le début pour me replonger dans l’univers de ce petit personnage. J’espérais y retrouver le phrasé naturel et la sensation ressentie par les membres du jury.

Crédit photo : Brett Walsh

Rencontre avec Mona Guirguis

Lauréate du Prix de l’adaptation en sous-titrage d’une série audiovisuelle

Vous avez reçu le Prix ATAA pour l’adaptation de la saison 5 de Brassic dont vous avez traduit les 6 saisons avec Laure-Hélène Césari. Peut-on qualifier cette série de trash ?

En effet, cette série n’est pas à mettre entre toutes les mains. Brassic n’a aucune limite tant en termes d’images – on y voit du sang, des viscères, des morts qui explosent, etc. – que de vocabulaire. De prime abord, il s’agit d’un programme purement humoristique. On y suit les aventures de Vinnie et de sa bande de bras cassés. Bipolaire, il vit seul dans une caravane au milieu de la forêt, où il cultive du cannabis pour survivre. Lors d’une deuxième lecture, cette série s’avère plus profonde : on y découvre une fine observation des laissés-pour-compte de la société anglaise, une réflexion sur l’amitié, l’amour et l’humain en général. Les dialogues traitent également des traumas de l’enfance, des ravages de l’alcool, mais tout cela alors qu’un personnage a un bras enfoncé dans l’anus d’une vache…

Crédit photo : Brett Walsh