Le mois dernier, nous avons rencontré Laurent Mantel et Gérard Chevalier Appert, membres de l’équipe d’Audiodescription. Ce rendez-vous informel nous a permis de découvrir un métier passionnant, difficile, exigeant et capital… bref, un vrai métier d’auteur.
L’audiodescription, ça vous parle ?
Vous allumez la télé. Un film est en cours. Une voix off commente tout ce qui se passe à l’image, décor, lumière, ambiance, mouvements des personnages… Étrange parti pris du réalisateur ? Non, audiodescription. Grâce à elle, les aveugles et malvoyants peuvent suivre un film (ou une autre forme de spectacle) à l’aide d’un descriptif complétant les dialogues et les sons.
Le travail de l’audiodescripteur consiste à rédiger un commentaire (pas en braille, comme certains le croient) qui, lu par un comédien, s’intercalera dans les « blancs » contenus entre les répliques et les sons significatifs de l’œuvre. Le public, même voyant, retrouve le charme prenant et évocateur des dramatiques radiodiffusées, l’audiodescription recréant – traduisant ? – sous forme verbale l’ambiance visuelle d’un film.
Le spectateur se retrouve ainsi en première ligne avec les soldats d’Indigènes, explore le cosmos à la Cité des Sciences – car l’audiodescription n’oublie pas le documentaire –, ou s’émeut aux transparences délicates d’un sous-vêtement, au début de Lost in Translation.
Pour aboutir à ce résultat, l’audiodescripteur plonge au cœur de l’œuvre, qu’il ne saurait décrire sans l’avoir analysée dans ses moindres détails, de même que le traducteur ne saurait traduire un texte qu’il n’a que superficiellement compris. Il est confronté à des choix : faut-il tout décrire ? Cela paraît impossible et pas forcément utile. Mais alors, quel aspect laisser de côté, sachant que l’audiodescription ne doit ni « écraser » un son chargé de sens, ni empiéter sur les paroles d’un personnage ? Comme le traducteur-adaptateur audiovisuel, l’audiodescripteur est donc soumis à des contraintes d’encombrement / de temps. Il devra choisir les éléments visuels les plus importants de chaque scène afin de la recréer avec fidélité et sensibilité. Ces choix impliquent une part de subjectivité : tel audiodescripteur évoquera plutôt une expression sur un visage, tel autre un paysage et le climat qui s’en dégage… Leur passionnant travail est une véritable œuvre de création.
D’ailleurs, les audiodescripteurs ont le statut d’auteur. Il leur reste à obtenir des droits sur la diffusion de leurs œuvres. Leur métier, né il y a une vingtaine d’années, rassemble des personnes aux parcours divers : scénaristes, comédiens, orthophonistes, traducteurs… Ils sont moins d’une trentaine en France actuellement, pour 60 000 aveugles et plus d’un million de malvoyants, selon l’Association Valentin Haüy. Espérons que les nouvelles réglementations et l’évolution des techniques de production permettront à leur activité de se développer, sans souffrir des baisses de tarifs et de la dégradation des conditions de travail que connaît actuellement une profession également au service de handicapés, celle des adaptateurs pour sourds et malentendants.
Pour en savoir plus sur l’audiodescription : http://www.audiodescription.fr
Merci à Marie-Luce Plumauzille et Laurent Mantel, qui ont rendu possibles cet article et, surtout, de premiers contacts entre audiodescripteurs et ATAA.