Rencontre avec Laure-Hélène Césari

Lauréate du Prix de l’adaptation en sous-titrage d’une série audiovisuelle

Vous avez reçu un prix ATAA pour l’adaptation de la série Brassic dont l’une des principales difficultés est le langage argotique. Avant la création d’Urban dictionary et d’autres outils en ligne, comment aurait-il été possible de traduire Brassic ?

Je pense qu’il aurait fallu un contact en Angleterre pour valider le sens de certaines phrases. D’autant que les personnages de Brassic bidouillent différentes expressions. Grâce à Urban dictionary, il est possible de retrouver des doubles, voire des triples sens. Ces personnages très vivants, qui parlent entre eux de manière codée, sont un véritable challenge à traduire, mais j’adore ça ! On vit vraiment avec eux. On est témoin de leur vie de tous les jours. J’aime aller chercher le terme le plus précis possible, sans que cela soit trop daté afin que la série puisse être regardée dans le temps, et sans perdre le spectateur en utilisant des expressions inconnues.

Peut-être qu’à une certaine époque, une telle série n’aurait jamais été diffusée à l’international. Il s’agit d’un programme atypique, pas du tout mainstream. Même aujourd’hui, peu de gens la connaissent autour de moi. Il faut dire que cette série déjantée à l’humour scatophile n’est pas très engageante de prime abord. Il faut s’y plonger. Avec Mona [Guirguis, co-lauréate du prix ATAA], nous en avons bavé sur la première saison. Il a fallu trouver nos marques. Personnellement, je me suis constitué un fichier Excel avec une série d’insultes, de petites phrases d’argot, ou d’expressions, qui reviennent souvent et pour lesquelles il faut varier les traductions. Il a fallu aller chercher des expressions françaises un peu détournées, mais tout aussi fleuries. De ce point de vue, le dictionnaire Bob est aussi extrêmement pratique.

Crédit photo : Brett Walsh

Rencontre avec Anne Fombeurre

Lauréate du Prix de l’adaptation en doublage d’un film d’animation

Vous avez reçu un prix ATAA pour les dialogues français de Marcel, le coquillage (avec ses chaussures), écrits en collaboration avec Abel-Antoine Vial. Comment avez-vous vécu ce moment ?

Le soir-même, je me suis sentie euphorique. Même si la vie quotidienne a vite repris le dessus, j’étais très heureuse de recevoir ce prix. En déclarant que le film semblait avoir été écrit en français, le jury nous a fait l’un des plus beaux compliments. Après la cérémonie, j’ai loué le film en VOD et ai regardé le début pour me replonger dans l’univers de ce petit personnage. J’espérais y retrouver le phrasé naturel et la sensation ressentie par les membres du jury.

Crédit photo : Brett Walsh

Rencontre avec Mona Guirguis

Lauréate du Prix de l’adaptation en sous-titrage d’une série audiovisuelle

Vous avez reçu le Prix ATAA pour l’adaptation de la saison 5 de Brassic dont vous avez traduit les 6 saisons avec Laure-Hélène Césari. Peut-on qualifier cette série de trash ?

En effet, cette série n’est pas à mettre entre toutes les mains. Brassic n’a aucune limite tant en termes d’images – on y voit du sang, des viscères, des morts qui explosent, etc. – que de vocabulaire. De prime abord, il s’agit d’un programme purement humoristique. On y suit les aventures de Vinnie et de sa bande de bras cassés. Bipolaire, il vit seul dans une caravane au milieu de la forêt, où il cultive du cannabis pour survivre. Lors d’une deuxième lecture, cette série s’avère plus profonde : on y découvre une fine observation des laissés-pour-compte de la société anglaise, une réflexion sur l’amitié, l’amour et l’humain en général. Les dialogues traitent également des traumas de l’enfance, des ravages de l’alcool, mais tout cela alors qu’un personnage a un bras enfoncé dans l’anus d’une vache…

Crédit photo : Brett Walsh

Rencontre avec Nadine Giraud

Prix de l’Extra bille 2025

Vous avez reçu l’Extra bille 2025 pour avoir mené des négociations auprès de Dubbing Brothers pour la revalorisation des rémunérations des auteurices de doublage. Pourtant, vous travaillez depuis toujours pour cette société de doublage qui est votre principal client.

Dans le milieu des année 90, j’ai connu le milieu du doublage grâce à une amie, elle-même adaptatrice. Et je dois effectivement beaucoup à Dubbing Brothers, où j’ai appris la détection, sous la supervision de détecteurices expérimenté·es. En tant qu’intermittente du spectacle, cette activité m’a permis de gagner ma vie et de me familiariser avec l’image et ce secteur d’activité. Après 2-3 années de détection, grâce aussi aux bonnes rencontres faites à Dubbing Brothers, j’ai pu mettre à profit ma formation d’anglais littéraire – et mon expérience de la traduction acquise au cours de mes études – en réalisant ma première adaptation en 1998. Les dessins animés Disney ont fait partie de mes toutes premières commandes. J’ai eu la chance de commencer par des programmes que l’on pourrait qualifier de « prestige ». C’était valorisant. À l’époque, les jeunes auteurices faisaient très généralement leurs armes sur des soaps, comme Les Feux de l’amour. Les enjeux y étaient moindres, et les comédiens de doublage compensaient, connaissant par cœur leur rôle.

Crédit photo : Brett Walsh

Rencontre avec Sabrina Boyer

Prix de l’Extra bille 2025

En créant le collectif d’auteurices de doublage, vous êtes devenue porte-parole – avec 5 autres confrères et consœurs – d’une centaine de professionnel·les. Avez-vous eu peur d’échouer ?

Au contraire ! Je me suis sentie portée par tous les signataires de la lettre. La grande majorité nous a encouragé·es et soutenu·es. C’était la première fois qu’un tel collectif était lancé, aussi nous ne savions pas quels résultats en attendre. Finalement, nous avons été écouté·es par Dubbing Brothers et notre collectif a remporté les avancées les plus importantes, avec une revalorisation des tarifs et la rémunération des vérifications. Cela a incité ceux et celles qui avaient initialement hésité, à soutenir les autres collectifs qui se sont successivement créés.

Il faut dire que cette mobilisation est arrivée au bon moment : les laboratoires nous appelaient toutes les semaines pour de nouveaux projets, au point de devoir en refuser régulièrement. Dans ces conditions, il devenait plus embarrassant pour le studio de ne rien céder. Surtout que les tarifs n'avaient pas évolué depuis plus de 20 ans. Malheureusement, nos collègues du sous-titrage n’ont pas obtenu les mêmes revalorisations. J’ai été extrêmement déçue pour toutes et tous. Il faut dire que le sous-titrage est souvent le parent pauvre de la profession. La VOST est plus facilement délocalisable. Tandis qu’en doublage, si le texte se révèle de piètre qualité en studio, cela provoque des conséquences en cascade sur le DA et les comédien·nes. Ce serait inacceptable. Aujourd’hui, vu la morosité ambiante, il n’est plus question de parler de rémunération…

Crédit photo : Brett Walsh

Rencontre avec Sandrine Chevalier

Lauréate du Prix de l’adaptation en doublage du film Empire of Light de Sam Mendes

Crédit photo : Brett Walsh

Le jury a salué la perfection de votre synchronisme et qualifié de « génialissime » votre adaptation des poèmes cités dans Empire of Light. Selon vous, quelle est votre force dans ce métier ?

Très probablement, mon sens du dialogue. Depuis toujours, j’ai une passion pour l’écriture et l’écriture de dialogues en particulier. À 11 ans, j’étais déjà passionnée de poésie. Chaque soir, j’inventais des histoires que je me racontais en vers. Cela m’amusait. Le lendemain, je les retranscrivais dans un recueil de poésie. Je lisais beaucoup. Je viens aussi d’une famille d’intellectuels qui baigne dans le cinéma, la musique...

Pour Empire of light, Disney ne disposait pas des droits sur la traduction des poèmes, c’est pourquoi il a fallu une nouvelle adaptation. Quoi qu’il en soit, je me devais de faire table rase des traductions précédentes, car la synchro est une contrainte qui nous empêche de nous inspirer des autres.

Une harmonisation harmonieuse

Nous attendons de nos clients qu’ils respectent notre droit moral. Et entre nous ?

Souvent, nos clients, ou les labos à qui ils délèguent la supervision des adaptations, nous demandent une harmonisation entre version sous-titrée et version doublée. Idéalement, les équipes travaillent conjointement, partagent une bible, et si elles en ont le droit, décident ou non de s’échanger leurs textes. Mais parfois, la communication ne se passe pas aussi bien, soit parce que les calendriers sont trop décalés, soit parce que des auteurices rechignent, soit encore parce que nous ne sommes pas mis en contact par les intermédiaires.

Le pire cas de figure est quand l’intermédiaire se donne le droit d’envoyer les textes des auteurices d’une version à celleux de l’autre, sans même les en avertir. J’ai été dans cette position de recevoir un texte de doublage dont on me demandait de reprendre certains points essentiels. Je ne connaissais pas l’autrice personnellement, je savais seulement qu’elle avait fini son travail d’adaptation. Comme j’avais aussi fini le mien, je voyais cela comme une simple relecture d’harmonisation, à la demande du client. Alors j’avoue, je ne me suis pas posé plus de questions. J’aurais dû.

Retour sur la 13e cérémonie des Prix fiction de l’ATAA

Jeudi 5 juin 2025, la cérémonie de remise des prix de l’ATAA s’est ouverte sur un discours de Stéphanie Lenoir. Pleine d’admiration pour le travail des auteurices, la nouvelle présidente de l’association a comparé les professionnel·les de l’adaptation audiovisuelle à des illusionnistes capables de faire croire aux spectateurices qu’iels maîtrisent toutes les langues. Lors de cette 13e édition, ce sont donc six magiciens et magiciennes de l’adaptation qui ont été récompensé·es pour leur talent. En parallèle, l’Extra bille, récompense honorifique créé en 2024, a été remise à deux autrices en remerciement de leur engagement pour la défense de la profession. Alors, place au palmarès ! Roulement de tambours…

Crédit photo : Brett Walsh

Journaljuin 2025

Institutions
27/06Rendez-vous avec la CST
Institutions
24/06Réunion de l'observatoire artistes-auteurs
Institutions
24/06Conseil d'administration de la SSAA
Vie de l'ATAA
23/06Webinaire sur la continuité de revenus
Associations soeurs
23/06Assemblée générale du SNAC
Associations soeurs
23/06Rencontre ATAA - Les Voix
Médias
22/06Entretien pour 01Net
Relations avec les clients
19/06Rendez-vous avec TF1
Institutions
18/06Assemblée générale de la Scam
Associations soeurs
18/06Rencontre ATAA - Les Monteurs Associés
Associations soeurs
17/06Réunion du groupement sous-titrage - doublage du SNAC
Institutions
17/06Conseil d'administration extraordinaire de la SSAA
Vie de l'ATAA
16/06Préparation du Webinaire sur la continuité de revenus
Associations soeurs
16/06Préparation de la soirée de rencontre ATAA - Les Monteurs Associés
Médias
13/06Entretien avec 01.Net
Associations soeurs
12/06Participation à la conférence organisée par l'UPAD dans le cadre de la journée internationale du doublage
Associations soeurs
11/06Participation au Hackaton (IA)
Associations soeurs
10/06Réunion intersyndicale à l'initiative de la SFT (IA)
Prix ATAA
05/06Cérémonie de remise des prix ATAA fiction
Vie de l'ATAA
02/06Réunion du conseil d'administration

Rencontre avec Hervé Rony, directeur général de la Scam - Partie 2

« Il n’y a pas lieu de discuter de droits d’auteur pour une œuvre générée à 100 % par une intelligence artificielle. Pour les œuvres hybrides, la situation devient plus complexe. Même s’il y a intervention humaine, est-elle suffisante pour justifier des droits d’auteur ? C’est toute la question. »

Lire la première partie de l'entretien

Crédit photo : Brett Walsh

L’encadrement de l’IA est-il déjà anticipé dans les contrats et les négociations que la Scam mène actuellement ?

Pour l’instant, il n’y a pas de clauses spécifiques dans les contrats généraux passés avec les diffuseurs. D’autant que ces derniers ne sont pas directement concernés par la question. Nos contrats leur permettent d’exploiter notre répertoire mais à charge pour nous de qualifier les droits redevables et de les répartir correctement. En revanche, nous observons une vigilance nouvelle de la part des producteurs qui ne veulent pas être trompés sur le travail des réalisateurs et des auteurs qui auraient indûment recours à l’intelligence artificielle. À l’inverse, il faut aussi éviter une pression excessive des producteurs qui inciteraient à un usage abusif de l’IA. C’est pourquoi nous négocions actuellement une clause spécifique sur l’IA qui sera, à l’avenir, intégrée à tous les contrats de production d’auteurs. Du côté de la fiction, la SACD a déjà mené des discussions avec les syndicats de producteurs afin de rédiger une clause-type sur l’utilisation de l’IA.

Récemment, des traducteurs de fiction ont déposé des œuvres traduites par IA pour lesquelles ils avaient réalisé un travail de post-édition. La Sacem les a, pour le moment, bloquées afin de mener une réflexion. Qu’en est-il à la Scam ?

Nous n’avons pas encore été confrontés à cette situation, mais nous comprenons ce blocage. Une seule certitude : il n’y a pas lieu de discuter de droits d’auteur pour une œuvre générée à 100 % par une intelligence artificielle, sans intervention humaine. En revanche, pour les œuvres hybrides, la situation devient plus complexe. Même s’il y a intervention humaine, est-elle suffisante pour justifier des droits d’auteur ? C’est toute la question. Être auteur signifie avoir créé une œuvre originale marquée par sa personnalité. Lorsqu’un texte est revu, corrigé ou réorganisé, cela suffit-il pour revendiquer un statut d’auteur ? Même si je ne pars pas du principe que ce travail n’aurait aucune valeur… C’est d’ailleurs toute l’ambiguïté de l’IA.

[Les auteurs] ont une relation ambivalente avec l’IA : ils savent qu’elle peut leur faire gagner du temps, mais ils ne veulent pas pour autant être dépouillés de leur rôle créatif.

Rencontre avec Hervé Rony, directeur général de la Scam - Partie 1

« Nous renégocions en permanence nos accords avec les diffuseurs. Au début, cela m’inquiétait beaucoup. Mais avec le recul, cette souplesse se révèle aussi à notre avantage […]. Aujourd’hui, si Disney produit très peu de documentaires, rien n’indique qu’ils n’en feront pas pléthore dans dix ans. »

Vous dites souvent que le nombre fait la force. En quoi la présence des traducteurs dans le répertoire audiovisuel aide les négociations avec les diffuseurs ?

Lors d’une négociation, nous représentons les réalisateurs et les auteurs de documentaires, mais également les traducteurs. Ce point se révèle fondamental, car ces derniers nous confèrent plus de poids. Par exemple, lors de nos premiers échanges avec Netflix, la réaction de la plateforme américaine a été de contester les demandes de la Scam, argumentant que notre organisation ne représentait que quelques documentaires français, quantité négligeable de leur catalogue. Ils ne nous prêtaient aucun crédit, jusqu’à ce qu’ils comprennent que nous représentions aussi plus de 1 000 traducteurs – potentiellement adaptateurs de leurs documentaires étrangers –, et que ces derniers s’avéraient aussi être des auteurs. Cette position nous renforce donc mutuellement. Comme lors de nos négociations avec National Geographic Channel qui est une des chaînes qui diffusent le plus de documentaires internationaux, ou encore avec Prime Video avec qui nous avons signé un accord cette année, après d’âpres négociations.

Notre plus grand levier est la menace de procès en contrefaçon.

Journalmai 2025

Relations avec les clients
07/05Rendez-vous avec Titrafilm (délais de paiement)
Vie de l'ATAA
05/05Réunion du conseil d'administration
Associations soeurs
05/05réunion de l'intersyndicale