Voice-Over Translation
An Overview (Eliana Franco, Anna Matamala, Pilar Orero)
Par comparaison avec le sous-titrage et le doublage, de plus en plus abordés dans les publications universitaires, le voice-over fait parfois figure de « parent pauvre » dans la littérature consacrée à la traduction/adaptation audiovisuelle. L’ouvrage Voice-Over Translation – An Overview, paru en 2010 chez l’éditeur Peter Lang, vient en partie combler cette lacune en proposant un panorama relativement complet de cette forme d’adaptation.
On peut par conséquent saluer l’effort accompli par les auteurs, qui tentent en 248 pages de faire un tour d’horizon du voice-over sous différents angles : définition du procédé et de sa place dans la recherche universitaire, description de la pratique du voice-over et des problèmes rencontrés au cours du processus de traduction, question de la formation au voice-over, résultats d’une enquête menée auprès d’adaptateurs professionnels et, enfin, bibliographie commentée sur le sujet.
Chacun des chapitres se termine par une série d’exercices pratiques suggérés au lecteur pour se familiariser avec le voice-over. L’ouvrage revêt ainsi une tonalité délibérément pédagogique et apparaît peut-être avant tout comme un manuel destiné aux étudiants en traduction et à leurs enseignants. Cette impression est renforcée par le caractère très descriptif de certains chapitres : présentation des différences entre le voice-over et une série d’autres modes de transfert linguistique (le doublage et le sous-titrage, cela va de soi, mais aussi l’interprétation, entre autres) ; exposé détaillé des divers types de relevés de texte (parfois abusivement appelés « scripts ») dont peut disposer le traducteur/adaptateur de voice-over pour faire son travail ; ou encore description des mérites des différents modes d’enseignement du voice-over (en ligne, en présentiel, etc.). Si certaines parties risquent de paraître quelque peu « élémentaires » ou scolaires aux adaptateurs de métier, elles sont sans aucun doute éclairantes pour les étudiants ou les chercheurs qui souhaitent en savoir plus sur les conditions de travail des traducteurs professionnels. Le propos a en outre le mérite d’être illustré par de nombreux exemples concrets issus de programmes audiovisuels de nature variée.
Le chapitre 3 (« Voice-over for postproduction [II]: The translation process ») entre davantage dans le vif du sujet en présentant de façon très fine et documentée les contraintes qui s’imposent à l’adaptateur de voice-over : conservation ou non des hésitations, répétitions et tics de langage de la personne interviewée, traitement des accents, contrainte de temps qui oblige parfois à resserrer la version voice-overisée par rapport à la version originale, prise en compte des mouvements signifiants du locuteur ou des différents éléments montrés à l’écran tandis qu’il parle, degré de liberté dont dispose l’adaptateur pour réécrire partiellement le texte du commentaire, vérification des informations données et des noms propres, recherches terminologiques, prise en compte du public cible pour moduler la technicité des termes employés, nécessité d’adapter certaines références culturelles, etc. Illustré là encore par des exemples abondants et bien choisis dans l’ensemble, ce chapitre permet de se faire une idée précise et fidèle à la réalité de la pratique de la traduction de voice-over.
Alors que la grande majorité des commandes d’adaptation en voice-over (en France, du moins) intervient au stade de la postproduction des documentaires, le chapitre 4 (« Voice-over for production ») est intégralement consacré à la traduction pour la production, c’est-à-dire au stade de la « fabrication » du programme audiovisuel (reportage, magazine, documentaire, etc.). C’est peut-être là que réside l’apport le plus intéressant de l’ouvrage, car il aborde sur une vingtaine de pages des problématiques plus rares : le travail sans « script », la traduction de rushes et le risque de manipulation ou d’erreurs lors du montage des propos traduits, la difficulté qu’il peut y avoir à travailler sur un programme inachevé, ou encore la place du traducteur dans la réalisation des reportages pour les journaux télévisés. Un exemple développé sur plusieurs pages, celui de la diffusion sur la BBC d’une vidéo d’Oussama Ben Laden, est particulièrement éclairant à cet égard1.
Autre originalité de Voice-Over Translation – An Overview, l’ouvrage présente aussi les résultats d’un sondage effectué par ses auteurs auprès d’une quarantaine de chercheurs et praticiens du voice-over. Si ce chapitre a plus valeur de curiosité qu’autre chose (l’enquête semble modérément représentative, puisque ce sont en tout et pour tout 22 traducteurs qui forment l’échantillon de professionnels étudié), il permet de mettre en évidence de subtiles variations des pratiques en matière de voice-over d’un pays à l’autre : mise à disposition ou non d’un script, indication ou non des time-codes dans la traduction, compétence de la personne chargée de réviser la traduction, etc.
Enfin, la bibliographie commentée qui figure à la fin de l’ouvrage – la première du genre, si l’on en croit les auteurs – présente plus de 70 articles, thèses et ouvrages en anglais, français ou espagnol consacrés au voice-over (la référence la plus ancienne date de 1983). Une précieuse source d’informations pour approfondir l’étude de ce mode d’adaptation et la réflexion sur ses enjeux.
Eliana Franco, Anna Matamala et Pilar Orero, Voice-Over Translation – An Overview, Berne, Peter Lang, 2010, 248 p.