Suite de notre série de portraits de traducteurs, membres de l’ATAA.
La parole est à Amandine Joyaux !
Nom : Joyaux
Prénom : Amandine
En exercice depuis : 2009
Ton parcours
Après avoir fait la formation de Lille 3, je me suis retrouvée sur le marché du travail en 2008 avec le désir de travailler dans le doublage et j’ai commencé par faire un stage en production chez Dubbing Brothers. Cette expérience n’ayant pas été concluante, je me suis tournée vers la voice over en janvier 2009. En septembre 2009, j’ai été contactée par la société Audiophase pour laquelle j’ai doublé deux séries et quelques téléfilms, puis, en mars 2010, j’ai commencé à travailler chez Mediadub. Depuis, j’écris trois séries pour eux et je continue parallèlement à travailler chez Nice Fellow, de temps en temps pour Audiophase (mais leurs tarifs n’encouragent pas vraiment une collaboration régulière…) ainsi que Deluxe Productions depuis peu.
Ton premier bébé traductologique
La série Party Down, très très bavarde et parfois un vrai défi, comme beaucoup de séries à la fois comiques et rythmées.
Une prise de tête mémorable
Un téléfilm sur un procès qui combinait à lui tout seul tous les cauchemars propres à l’adaptation : hyper chargé, lexique juridique (des termes de médecine légale à s’arracher les cheveux), des ambiances partout…
Un regret
Ne pas avoir pu adapter la série de comics Avengers, dont le projet nous a été retiré sans ménagement par Marvel pour des questions de budget.
Une fierté
Entendre une amie me dire qu’elle a aimé une série que j’ai adaptée, et l’entendre me préciser qu’elle l’a vue en VF. D’habitude, les gens ajoutent toujours « bon, je l’ai vu en VO, parce que je ne supporte pas les VF… »
Une envie traductologique
Adapter un film d’époque, dans le style d'Orgueil et Préjugés.
Une rencontre
Récemment, j’ai eu la chance de travailler avec Blanche Ravalec (qui double Marcia Cross et dirige également des plateaux). Un vrai plaisir de collaborer avec cette femme-là, qui est à la fois très pro, très respectueuse du travail des auteurs, simple, drôle et très abordable.
Pourquoi avoir choisi ce métier ?
Étudiante en fac d’anglais, je n’avais pas envie de me tourner vers le métier d’enseignante. Après réflexion, je me suis dit que j’aimais l’idée d’un métier interdisciplinaire : d’un côté la traduction, qui compare deux langues et deux cultures, et de l’autre, le cinéma. J’en suis vite venue à la conclusion qu’il fallait que je me dirige vers un métier qui permette de travailler dans ces deux sphères à la fois.
Ton regard sur la profession et son évolution
Concernant le doublage, et selon mon expérience personnelle, je constate qu’il est possible de travailler de manière très agréable, avec des gens bienveillants, dans des conditions respectueuses. Concernant les tarifs plus précisément, ils restent corrects en doublage, nous avons même obtenu l’an dernier de nous faire augmenter chez Médiadub. Parmi nos revendications pour justifier cela, le fait qu’on demande de plus en plus aux auteurs de gérer des à-côtés, qui prennent parfois beaucoup de temps : NBC qui demande maintenant deux résumés, un court et un long, et qui exige de rajouter une page sur les frappes avec leur logo… Non pas que ces manœuvres soient très chronophages, mais quand s’ajoutent à ça le fait de devoir envoyer lignages, croisillés (à compléter quasi systématiquement), et les détections souvent lacunaires, je trouve que ça fait parfois beaucoup.
Ton regard sur la « consommation » d’œuvres audiovisuelles
Très personnellement, j’avoue regretter que la plupart des gens de mon entourage aillent peu au cinéma et préfèrent souvent regarder la télévision chez eux. J’entends aussi beaucoup parler de Netflix, et de mon point de vue personnel, j’ai l’impression que ça encourage plus le binge-viewing qu’un visionnage responsable et de qualité. Un exemple : il paraît que sur leur site, on peut lancer une sorte d’application qui « zappe » le générique des séries et vous permet d’enchaîner les épisodes non-stop… ce qui m’a fait bondir ! Je trouve qu’il y a un vrai plaisir dans le rituel du générique, même en enchaînant 3 épisodes à la suite. Ça permet de se « mettre progressivement » dans l’épisode, et le fait de les enchaîner en continu brouille les repères, ne respecte pas la narration et tient d’avantage à la surconsommation.
Un coup de gueule
Je crois que je l’ai fait juste au-dessus !
C’est quoi un bon sous-titrage / doublage / voice over ?
Alors là, difficile à dire sans juger ! Et difficile de se placer du point de vue de spectateur quand la déformation professionnelle s’en mêle. De mon point de vue d’adaptatrice, je dirais qu’un bon doublage dépend de beaucoup de critères, au-delà du travail d’écriture. Le texte peut être excellent, mais le travail en plateau est déterminant. Pour que le résultat final soit bon, il faut que la sauce prenne des deux côtés. De manière générale, je trouve dommage que certaines chaînes, de par leurs exigences, rendent parfois les dialogues un peu « polis » et les répliques entendues. J’avoue être nostalgique des doublages des années 80-90, où tout était permis. Je pense notamment à SOS Fantômes quand Bill Murray nous sortait « On est venus, on a vu, il l’a eu dans le cul », ou encore aux Goonies avec la bande à Mickey, Choco, Bagou et Data qui jurent comme des charretiers… pour moi, ce film est un bel exemple de doublage réussi : pas forcément toujours synchrone, mais débordant de naturel, des voix charismatiques et un texte riche et imagé.
Pourquoi l'ATAA ?
Parce qu’il me semble important de se fédérer dans un métier où on se sent souvent isolé. Et parce qu’il est plus facile de faire valoir ses droits quand on se sent faire partie d’une équipe. Et puis parce que je trouve que c’est une association active, qui a certes des idéaux mais qui les concrétise, et qui vit en accord avec ses principes.
Un dernier mot
Plutôt un petit « best of » des meilleures phrases que j’ai entendues en plateau.
- Un DA à un des comédiens : « Vide ta bouche, y a du monde dedans ».
- Commentaire d’un comédien quand le personnage qu’il double en gifle un autre : « Et ça, c’est du miel des Vosges ? »
- « Celui-là, il est aimable comme une feuille d’impôts ».
J’ajoute aussi la bande annonce d’un film très sympa, In a world, qui parle du métier de comédien en voice over, et du monde sans pitié des bandes-annonces de blockbusters. Je ne sais pas s’il existe une VF et qui l’a adapté, d’ailleurs.
Si vous aussi vous souhaitez publier votre portrait, vous exprimer pour une fois avec vos mots à vous, dans votre style à vous, pour partager votre expérience, rien de plus facile : prenez votre plus belle plume pour répondre à ce questionnaire, joignez-y si vous le pouvez illustrations et visuels et envoyez le tout à blog |at| ataa.fr !