Pour le sixième portrait des nouvelles têtes du CA, David Blin. Un membre qu'on y a finalement peu vu, mais il le dit lui-même, ce n'est que partie remise !
- Quel a été le déclic qui t’a donné envie de te lancer dans la traduction ou l’adaptation audiovisuelle ?
J’ai découvert la traduction de BD et le sous-titrage en ERASMUS à Berlin en 1999, puis je me suis penché sur le doublage. Après avoir comparé la version allemande d’Astérix et Obélix mission Cléopâtre avec sa version française pour un devoir de fac, je me suis rendu compte qu’écrire un doublage, c’était faire respirer un texte, le rendre vivant. C’était là le déclic.
- Quel projet a constitué pour toi le plus grand défi technique, artistique ou humain ?
La plus dur, ça a été Billions. J’écrivais 3 à 4mn/jour. Parler comme un trader, ça a été un gros travail sur moi… En 2000, j’ai vu une comédie en Allemagne ; « Im Juli » et je m’étais dit que j’aurais adoré écrire la VF. Je l’ai écrite 20 ans plus tard. « Nightrain to Lisbon » et « We need to talk about Kevin » ont été deux très beaux challenges, ça jouait fort et intense, c’était très bien écrit. Deux styles très différents, mais dans les deux cas, il y avait une atmosphère et des identités spécifiques à recréer dans la VF. Sinon j’ai longtemps écrit « Les enquêtes de Murdoch », c’était devenu mon rendez-vous annuel avec le français de la fin du 19e. Ça me manque 😊The Jackal et Task ont aussi été deux superbes projets, un jeu intense à faire passer, des personnages « très vrais » et le tout écrit en binôme avec ma compagne. Le genre de projet qu’on se souhaite tous les jours.
- Y a-t-il une scène, une réplique ou un dialogue que tu as traduit/adapté et dont tu te souviendras toujours ?
J’ai adapté « The Misfits » avec Fanny Béraud, on travaillait dans les locaux de Nice Fellow. On s’interrompait régulièrement pour se proposer nos trouvailles. Le script VO était salé, on s’est franchement marrés à les écrire ! Il y a aussi une réplique de l’adaptation d’un bestseller allemand « La Catin » qui avait été citée dans je ne sais plus quel journal : « Si de par ma bouche, vous deviez atteindre le plaisir je veux que par la vôtre, justice soit faite. » Ça ne vaut pas « On ne laisse pas bébé dans un coin » mais c’était une petite victoire quand même.
- Comment as-tu su que c’était le bon moment pour rejoindre le CA ?
Me concernant, ce n’était pas le bon moment, mais ça fait des années que je vois l’ATAA présente dans tous les débats qui comptent pour notre profession. Ils fédèrent, ils écoutent, ils répondent, ils ne s’emportent pas, et pourtant, il y aurait souvent de quoi… Ce sont des adaptatrices et adaptateurs qui offrent leur temps pour la communauté. Ils doivent travailler à côté, comme nous tous. Aujourd’hui, ils occupent une place centrale dans le paysage du doublage et je suis convaincu que leur action est nécessaire. Ils ont répondu présents à chaque fois que la profession a eu besoin d’eux, ils sont devenus un intermédiaire précieux entre les clients, les institutions et nous. Mon année a été plus chargée que je ne le pensais et je n’ai pas pu leur fournir l’aide que je souhaitais. Pas de reproche, pas de pression. Ils ont été supers. J’espère que je pourrai me rendre utile plus tard… histoire que ce ne soit pas toujours les mêmes qui bataillent pour défendre nos intérêts.
- Quelle expérience ou expertise personnelle aimerais-tu mettre davantage au service de l’ATAA dans les mois à venir ?
J’ai pris part aux revendications concernant les rémunérations il y a quelques années et c’est un sujet que j’aimerais suivre. La vie augmente, on nous refuse une augmentation nécessaire. On ne peut pas se contenter d’un non.
- Qu’as-tu découvert sur l’association ou sur le métier en intégrant le CA, que tu ne soupçonnais pas avant ?
Je n’avais pas correctement évalué l’investissement de chacun pour que la machine fonctionne. Certains membres du CA ont des connaissances pointues et précieuses dans des domaines dont on a besoin, des thématiques qui sont très floues pour moi. L’ATAA regroupe des adaptateurs de sous-titrage et de doublage, le travail est fait dans l’échange avec beaucoup de bon sens et d’écoute. Quand je vois le travail qu’ils fournissent par pur altruisme, je suis épaté de voir les trésors de patience dont ils font preuve face à certaines situations.
- Quel changement récent dans le secteur te semble le plus déterminant pour notre avenir ?
Le changement récent le plus important, ça a été l’augmentation de notre rémunération. C’est un sujet crucial. Ça n’avait pas bougé depuis 20 ans ! Il est fondamental de valoriser notre travail, et si on arrive à se faire augmenter, c’est qu’on aura réussi à se faire entendre. On a montré que c’était possible.
Sinon, la réponse la plus évidente, c’est l’IA, mais de ce que j’en vois, je pense qu’il lui faudra encore longtemps pour disposer de notre capacité à créer l’illusion. Et avec un peu de chance, ça n’arrivera pas.
- Quelle est la meilleure leçon que tu aies apprise depuis tes débuts, et que tu aimerais transmettre aux nouvelles et nouveaux arrivant·es ?
La profession étant ce qu’elle est, je voudrais qu’il y ait moins de nouveaux arrivants. Ça fait probablement de moi un vieux con, mais on ressent un engorgement. Trop d’adaptateurs / trices et pas assez de projets. Pour tous ceux qui vont vers ce métier par passion, je leur dirais que pouvoir mettre ses tripes dans un texte est une expérience très enrichissante et qu’un aussi beau métier mérite d’être protégé. Je leur dirais d’être solidaire, de se penser comme les membres d’un groupe. Tout ce qu’on cède, c’est notre branche qui en fait les frais. Refusez de travailler sous les 28€ qui ont été obtenus, refusez de faire votre détection si elle n’est pas payée en salaire, refusez de faire des vérif non-payées. « Je ne savais pas » n’est pas une réponse. Quand on se lance dans un métier, on se renseigne sur son fonctionnement.
