Les pièges politiques
Le plus courant de ces pièges, c’est la fameuse différence entre « Lei » et « Voi ».
La langue italienne utilise la troisième personne pour s’adresser à quelqu’un de respectable. C’est sans doute la pesanteur qui en résulte qui encourage le tutoiement. On utilise la troisième personne presque uniquement en signe de respect (par écrit, on met un « L » majuscule), ou par antipathie, pour mettre un écran entre soi et son interlocuteur. Sinon, on adopte très rapidement le tutoiement.
Pendant l’époque du fascisme, Mussolini a essayé d’imposer le « Voi » au détriment du « Lei ». Cette greffe n’a pas pris dans la population. La conséquence de ce traumatisme brutal est que ceux qui vouvoient, ceux qui emploient le « Voi », sont d’anciens fascistes, ou soupçonnés tels, ou bien des Romains de vieille souche, résidant dans certains quartiers populaires.
C’est devenu dans les films l’une des drôleries les plus fréquemment utilisées, carrément intraduisible. Je me souviens d’une réplique entre deux personnages.
– Ah, vous dites « Lei ». Pourquoi dites-vous « Lei » au lieu de dire « Voi » ?
J’ai tourné la difficulté :
– Mais vous parlez comme un fasciste !
Ou quelque chose dans le même genre.
Quand on lit : chemise noire, il vaut mieux mettre chemise fasciste, et quand on lit : chemise rouge, c’est celle des Garibaldiens, pas celle d’un bolchévik [sic].
De même, le mot « compagno » doit se traduire par « camarade » et non par « compagnon ».
Quand on pense que « camerata », c’est fasciste et que « compagno », c’est camarade, vous voyez comme c’est facile ! Car le mot « camerata », qu’on aurait tendance à traduire par « camarade » signifie « camarade fasciste ». Après bien des angoisses, j’ai décidé de mettre « fasciste » tout seul, quand c’est possible.
Ce ne sont que des exemples parmi les fréquentes difficultés politiques qu’on trouve en particulier dans les films qui se déroulent à l’époque du fascisme.