Introduction
Que traduit-on lorsqu’on traduit un film ? Les mots d’un dialogue et rien d’autre, ou bien, implicitement, ces mots et l’influence qu’ils subissent de la part de l’image et du son ? Toute la complexité de la traduction audiovisuelle, avec ses difficultés propres, se résume à ces questions.
Lorsque la traduction d’un film a lieu entre langues d’origine commune – la plupart des langues européennes entre elles, par exemple –, le spectateur peut compter sur l’image qui lui procure une certaine familiarité visuelle avec l’environnement des personnages et leurs codes corporels. Même s’il ne comprend pas la langue du film, l’intonation et le rythme des voix peuvent l’aider à distinguer l’injure de l’éloge, le soupçon de la confiance. Aux sous-titres, passeurs du texte, s’ajoutent l’image et le son, même si certaines subtilités corporelles ou nuances vocales peuvent échapper à la compréhension.
Les difficultés sont accrues dans la traduction entre langues aux origines et aux graphies totalement différentes, qui sont l’expression de visions du monde tout aussi variées. L’image ne vient alors pas toujours à l’aide du spectateur qui peut interpréter certains gestes déroutants de manière erronée. Le son peut ne pas être un guide fiable quand il est difficile, voire impossible, de percevoir les enchaînements entre les mots et le sens des pauses, ou de déchiffrer sans faille une intonation dont on n’a pas l’habitude.
Le travail des traducteurs et des traductrices qui évoluent entre des langues aussi mutuellement étrangères que le japonais et le français, l’italien et le chinois, en est d’autant plus délicat. Que traduisent-ils ? Comment introduire dans l’image, au rythme du son entendu, la langue des sous-titres ? Le doublage n’est pas à l’abri d’une semblable incongruité, car la langue que comprend le spectateur de la version doublée occupe de façon déconcertante un environnement visuel et culturel à laquelle elle n’appartient en rien.
C’est en grande partie à ces questions que s’intéresse ce quatrième numéro de L’Écran traduit, dont le rythme théoriquement semestriel a été ralenti par les activités professionnelles de ses animateurs. Nous nous efforçons à présent de retrouver et de maintenir notre périodicité initiale.