Éditorial
Si L’Écran traduit ne cherche pas à coller à l’actualité, difficile d’échapper à celle de 2020 et, probablement, de l’année qui vient, avec les conséquences de la crise sanitaire sur les pratiques et les conditions de travail des traductrices et traducteurs audiovisuels.
La situation économique, sociale et professionnelle de notre secteur est pour le moins critique. Le confinement du printemps 2020 a différé de très nombreux tournages en France et à l’étranger. La fermeture prolongée des salles de cinéma, au printemps et à nouveau à l’automne-hiver 2020-2021, a profondément bouleversé le rythme de sortie des films et reporté sine die la distribution en salles de bon nombre de productions étrangères, notamment américaines. En conséquence, une précarité accrue s’est installée chez celles et ceux qui sous-titrent et doublent pour ce secteur.
Dans le même temps, la « consommation » de films et séries semble avoir nettement augmenté sur les plateformes en ligne, provoquant une demande supplémentaire en sous-titrage et en doublage, mais dans des délais voulus sans cesse plus courts et à des tarifs toujours plus bas, en France comme dans toute l’Europe. Cette augmentation incite plateformes et prestataires techniques à imposer ces outils peu applicables à la traduction audiovisuelle que sont la traduction automatique et la mal nommée intelligence artificielle, outils qui réduisent des traducteurs professionnels qualifiés au rang de post-editors, selon l’anglais mondialisé en vigueur. Avec de telles méthodes, traduire pour l’audiovisuel revient à consacrer davantage de temps à rectifier tant bien que mal de mauvaises « traductions » qu’à traduire directement de l’original.
On est ici loin du soin méticuleux et de la créativité dont témoigne le traducteur Henri Béhar, dont nous publions un entretien fouillé dans ce numéro. On pourra aussi lire une évocation du travail de Gladys Pascazio, traductrice franco-italienne active dans les années 1950 – où l’on verra que rien ne change jamais vraiment ! – et un compte rendu d’un ouvrage consacré au doublage en Allemagne des années 1930 au milieu des années 1950. Tel est le menu de cette septième livraison de L’Écran traduit dont l’élaboration aura été longue mais fructueuse.
Sept numéros en sept ans, soit un par an en moyenne au lieu des deux visés par notre projet de départ. « Sept ans de réflexion », ou plutôt les réflexions de la septième année. En effet, notre revue a aujourd’hui besoin de trouver un nouveau souffle. Il est capital que nous continuions de nous exprimer par nous-mêmes et n’abandonnions pas aux seules publications universitaires l’espace de réflexion sur nos pratiques.
Ce numéro 7 est aussi l’occasion de saluer tout le travail accompli pour les six premiers par Anne-Lise Weidmann, cofondatrice de la revue qui l’a co-animée avec dynamisme et inventivité, par ses contributions personnelles, la corédaction éditoriale et l’immense tâche de mise en forme et en ligne de chaque numéro. Till Zimmermann a repris son flambeau avec vaillance.