Dans quel contexte les prix ATAA ont-ils été créés ? Qu'est-ce qui a motivé leur création ?
L'ATAA a été créée en 2006. Très rapidement, nous avons eu l'idée d’organiser un événement qui donnerait de la visibilité à l'association. Notre objectif principal était de faire connaître nos métiers et d'exister auprès de la presse, des institutions, de nos partenaires et de nos clients. Nous voulions sortir de l'ombre les auteurs de doublage, de sous-titrage et de voice-over ; montrer que c'était un métier à part entière et prouver que nous exercions tous le même métier, celui d'adaptateur, même si nous travaillions dans des univers différents et dans des conditions différentes.
Le deuxième objectif était d'établir une communication directe entre les auteurs et leurs clients finaux. Nous voulions encourager un dialogue ouvert – l'une des principales missions de l'ATAA – avec les commanditaires, les institutions, etc. Le fait que la cérémonie des Prix se déroule à la Sacem et celle des Prix documentaires à la Scam a par exemple, contribué à cette visibilité et permis de faire entendre la voix des adaptateurs.
Enfin, comme l'a souligné Anaïs Duchet, qui était alors présidente de l’association, nous espérions aussi rassembler toute la profession dans un esprit positif lors d’un événement festif. Une manière de faire exister l’ATAA dans un contexte autre que l’action revendicative ; et d’encourager les bonnes pratiques en mettant en lumière des adaptations de qualité ainsi que leurs auteurs.
Plus de dix après leur création, les Prix ATAA ont-ils atteint leurs objectifs ?Aujourd'hui, nous constatons que les Prix ATAA ont dépassé nos attentes en devenant un rendez-vous incontournable du milieu, tant pour les auteurs que pour les distributeurs, les laboratoires et nos autres partenaires. Ce rendez-vous annuel est attendu par tous. C'est une occasion pour les professionnels de se rencontrer, chose de plus en plus rare dans notre métier, surtout pour ceux qui ne sont pas basés à Paris. Au quotidien, il arrive fréquemment que nous n’échangions que par e-mail avec des clients ou des collègues que nous ne rencontrons jamais. Donc, cette dimension de rencontre et d'échange dépasse le cadre de la cérémonie de remise des Prix elle-même. C'est formidable et très positif !
On remarque aussi que notre message est entendu, certains clients prennent (encore) plus en considération les auteurs et répondent plus volontiers aux questions des organisateurs des Prix, et les adhérents se défendent de mieux en mieux. C’est très satisfaisant.
D'un point de vue plus personnel, quel bilan tirez-vous de votre implication dans l'organisation des Prix ATAA ?
Avant tout, je retiens les rencontres. C’est l’aspect le plus enrichissant. Outre les amitiés qui sont nées de cette expérience, j'ai eu la chance de connaître de nombreuses personnes que je n'aurais jamais eu l’opportunité de croiser. Pour composer les jurys, nous sollicitons les professionnels les plus divers, venant d’horizons différents, ayant des points de vue innovants sur le sous-titrage, les films ou les séries. J’ai souvenir de discussions passionnantes !
C'est grâce à ces rencontres que j’ai changé de regard sur le métier : au début de ma carrière, j’ai adapté des documentaires puis des séries, le cinéma me semblait un monde totalement inaccessible. Mais encouragée par mes collègues, j'ai fini par me dire "Pourquoi pas moi ?" Cette expérience m'a fait grandir et permis d’élargir mes perspectives en remettant en question ces frontières.
En tant que membre organisateur des Prix ATAA, vos adaptations seront encore exclues de la compétition pendant un an. Ne le regrettez-vous pas ?
Je suis surtout désolée pour mes collègues co-auteurs d’adaptation de séries que cela rend inéligibles par ricochet. J’ai également souvenir d’une cliente qui regrettait qu’un de ses films ne puisse être sélectionné. Mais à titre personnel, cela ne me dérange pas : ne pas être éligible m’enlève une préoccupation. En créant les prix ATAA, nous n'avions pas conscience de leur impact émotionnel sur les personnes nommées. Cela nous a un peu dépassés… Nous voulions mettre en lumière tout le monde. Distinguer une adaptation remarquable parmi d’autres n’était presque qu’un prétexte. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons toujours refusé la dénomination « Prix de la meilleure adaptation ». Seulement, cela reste une compétition. Certains ont à cœur d’être récompensés. Pour les finalistes, cela peut créer du stress et évidemment des déceptions.
Selon vous, quelles sont les plus belles avancées de l'ATAA, ainsi que ses combats les plus importants ?
À mon sens, la première grande avancée de l'ATAA a été sa création et le regroupement de tous nos métiers. L'existence même de l'association et de ses différents lieux d'échange, comme le site web ou les journées portes ouvertes, permet aux professionnels de tous horizons (sous-titrage, doublage, voice-over, audiodescription, SME, etc.) de se retrouver. Cela aide notamment à naviguer dans les aspects administratifs du métier, ce qui est précieux au quotidien.
Avoir donné une voix aux adaptateurs et permettre à chacun de prendre part aux décisions concernant notre métier se traduit par des avancées dans de nombreux domaines, grâce à la force de l'association et à sa capacité à rassembler les professionnels.
Une des conséquences positives de cette capacité à réunir et à dialoguer est la possibilité d'entreprendre des actions concertées. Avant, lorsque les conditions de travail se détérioraient, nous nous demandions quoi faire, si une grève était possible ou quelles autres actions entreprendre. Aujourd'hui, il est envisageable de mener des actions collectives, de réaliser des études sur l'état de notre métier et de coordonner différentes initiatives. La mise en place de collectifs de négociation est un exemple concret de cette évolution, et même quand l'ATAA n’est pas à l'initiative d’une action, elle est toujours là pour l’accompagner.
L’ATAA est devenue un organisme incontournable dont la solidité semble acquise. Est-ce pour cette raison que l’association manque aujourd’hui de bénévoles ?
Je pense que cela s'explique de plusieurs manières. Tout d'abord, certaines personnes pensent que l'ATAA est bien établie et que cela continuera de fonctionner sans leur participation. Mais il faut prendre conscience que l'ATAA, c'est NOUS ! L'action collective se construit grâce à la contribution de chaque membre. Sur les réseaux sociaux, il arrive de lire "Que fait l'ATAA ?" en commentaire, mais nous sommes tous l'ATAA. Si tu veux que quelque chose soit fait, tu dois t’impliquer. Il ne faut pas toujours tout attendre, mais plutôt réfléchir à ce que nous pouvons apporter à l'association. Être adhérent et renouveler son adhésion est un premier pas important, mais il est essentiel de ne pas s'arrêter là. L'ATAA compte sur ses membres pour continuer à avancer et à représenter la profession. Le nombre d’adhérents ne cesse d’augmenter, mais pas le nombre de membres au Conseil d’administration. Nos huit représentants actuels ne peuvent pas tout porter, heureusement qu’il y a quelques autres bonnes volontés. Il est crucial de donner un nouvel élan à l'association.
Ensuite, il y a la crainte que s'investir bénévolement dans une association demande du temps et de l'énergie. Cela peut représenter un frein. Mais rappelons que chaque petite contribution compte, nul besoin d’y consacrer de longues heures. Enfin, certains membres ne s’estiment pas assez légitimes : cette idée est totalement erronée, car nous sommes tous légitimes, nous pouvons tous apporter notre pierre à l'édifice et apprendre énormément au passage, auteurs chevronnés comme jeunes diplômés : rappelons que certains membres fondateurs de l’ATAA débutaient encore dans le métier à l’époque de sa création.
Concrètement, comment peuvent contribuer les membres qui souhaiteraient s’engager plus activement ?
Chacun peut s'investir selon ses disponibilités et ses compétences, simplement en apportant des idées ou des solutions. Bien d'autres actions existent comme répondre aux médias, écrire des articles, représenter l'ATAA lors d'événements, etc. Les compétences en informatique, en graphisme sont les bienvenues… Toutes les contributions sont appréciées, même pour un coup de main ponctuel. D’autant que rien n’oblige à s'engager dans le Conseil d'administration. Assister à ses réunions, même en visioconférence, permet de se tenir informé des actions et des projets en cours. Cela aide à identifier les sujets qui nous intéressent et ainsi donner envie de s'impliquer d’une manière ou d’une autre.
Après toutes ces années, vous avez décidé de quitter le comité d’organisation des Prix ATAA. N’avez-vous pas un pincement au cœur ?
Si, bien sûr, ça fait drôle. Mais je serai toujours là pour apporter mon soutien ! J'espère cependant que de nombreux membres se sentiront encouragés à s'impliquer et à participer activement à l'avenir de l'association. Il y a tant de choses à apprendre et à réaliser ensemble, entouré de personnes passionnées et bienveillantes.