Rencontre avec Elisa Colliez

Autrice et membre du jury des Prix Série de l’adaptation en sous-titrage

Quel bilan tirez-vous de votre activité de jurée ?

Être jurée s’avère une position intéressante, mais pas si facile. Il a fallu prendre la posture d’un spectateur à la fois initié et objectif sans tomber dans l’exercice de simulation. Si les quatre séries finalistes se sont presque imposées d’elles-mêmes, il a été bien plus difficile de les départager : chaque adaptation excellait ; ce qui nous a obligées à entrer dans le détail de chaque réplique, chaque trouvaille — et c’est là que l’exercice devient passionnant. Cela a donné lieu à de longs débats et chacune, avec sa sensibilité, ses habitudes, son expérience, apportait une lecture différente. Tous ces échanges m’ont permis de réfléchir à mes propres pratiques, à ce qui fait ou non un bon sous-titrage… À ce qui marche et ce qui marche moins bien.

Concernant la série Ted Lasso, j’ai aimé observer l’expertise des jurées coutumières des comédies. Personnellement, j’ai très peu travaillé sur ce genre de programmes… Leur approche pour traduire l’humour s’est révélée différente de celle des adaptatrices familières des séries historiques. Néanmoins, quel que soit le registre, notre mission consiste à faire découvrir et transmettre la culture source au public cible. Quand il s’agit d’une diffusion grand public, il faut que les références soient immédiates. C’est une question de dosage et notre rôle comprend aussi de savoir où placer le curseur.

Cérémonie des prix de l'ATAA 2024

Vendredi 31 mai, la 12e édition de la remise des Prix de l’ATAA s’est ouverte devant un parterre de 250 convives rassemblés dans l’auditorium Debussy-Ravel de la Sacem. Réunissant de nouveau cinéma et séries, la cérémonie a récompensé de quatre prix d’adaptation six autrices et un auteur pour l’excellence de leurs sous-titres ou de leur doublage. Retour sur cet événement qui restera gravé dans les mémoires.

Plein d’un enthousiasme communicatif, le jury cinéma n’a pas caché son plaisir de remettre le Prix de l’adaptation en sous-titrage d’un film anglophone à Anne Crozat, ravie de transformer l’essai pour cette troisième nomination ; et à Jean Bertrand, lauréat du Prix de l’adaptation en sous-titrage d’un film non-anglophone. Ému aux larmes, ce dernier ne s’imaginait pas remporter le trophée pour un film traduit de l’allemand et traitant de l’insoutenable solution finale imaginée par les Nazis…

Anne Crozat, lauréate du Prix cinéma sous-titrage d'un film anglophone pour "Renfield"
Jean Bertrand, lauréat du Prix cinéma sous-titrage d'un film non anglophone pour "La Conférence"

7e édition : Prix de la traduction de documentaires audiovisuels

Appel à candidatures - février 2024

2024 est une année bissextile. Une année où un petit jour se glisse, l’air de rien, dans les interstices du calendrier : ne serait-ce pas l’année où, vous aussi, vous vous glisserez hors de votre caverne de dictionnaires pour briller au grand jour ? Allez, c’est dit. Cette année, vous postulez au Prix de la traduction de documentaires audiovisuels.

Quoi quand qu’est-ce ?

Ce prix, organisé en partenariat avec la Scam, braque les projecteurs sur ceux et celles qui, par leur travail, rendent accessibles les programmes étrangers au public français : les traducteurs et traductrices de documentaires.

Chaque édition, c’est l’occasion de décortiquer les adaptations qui ont rythmé votre année, de plonger dans la matière de traductions fluides, pointues, inventives. D’entendre des voice-over qui claquent, de lire des sous-titres qui tapent juste. De se passionner pour des sujets improbables. De s’interroger sur ce que l’on considère une bonne adaptation française, d’en débattre au sein du jury. De se retrouver avec le reste de la profession lors de la cérémonie de remise du prix pour faire le point sur le métier et se souvenir de la puissance des liens du collectif.

« Tout ça, vraiment ? N’en jetez plus, j’y vais ! »

Comment participer ?

Pour vérifier que votre candidature répond aux critères du Prix, n’hésitez pas à consulter l’appel à candidatures et le règlement de l’édition 2024. Les candidatures concernent les documentaires diffusés à la télévision et sur plateformes entre le 1er mars 2023 et le 29 février 2024.

À noter : la présence d’une membre du jury travaillant chez EVA Strasbourg exclura pour cette édition les adaptations réalisées pour ce laboratoire.

Pour soumettre votre candidature, rendez-vous sur le formulaire en ligne. Vous pourrez joindre les éléments (vidéos et scripts VO et VF) en suivant un lien à la fin du formulaire.

Année bissextile, on avait dit ? Le formulaire sera actif du 29 janvier au 29 février 2024.

Si vous souhaitez participer, mais que vous avez des difficultés à vous procurer les éléments manquants (la vidéo VF/VOST, notamment), pensez à déposer votre candidature avant la date-butoir : vous pourrez toujours nous envoyer les éléments ensuite.

En cas de doute sur la validité ou la pertinence d’une candidature, n’hésitez pas à nous écrire : prix-documentaire@ataa.fr

Rencontre avec Claudia Faes, lauréate du Prix ATAA de la traduction de documentaires audiovisuels

Lors de la cérémonie, vous avez tenu à poser devant l’objectif avec Juliette Coupat et Claire Breton, finalistes du Prix. Pourquoi était-ce important pour vous ?

J’aime beaucoup cette photo ! C’est la seule image de nous trois. Selon moi, il est essentiel de valoriser l’ensemble des adaptateurs et adaptatrices. Dans la réalité, il est possible de se considérer comme des concurrents… Mais selon moi, c’est l’esprit d’entraide et la bienveillance qui permettent de durer dans ce métier et de tenir le coup. Dans notre secteur d’activité, nous connaissons une forte pression, soit parce que nous sommes en PLS en attente d’un projet ; soit parce que quatre programmes formidables nous sont proposés en même temps. Nous disons « oui » à tout, tant nous appréhendons les périodes de vaches maigres. Ensuite, les éléments n’arrivent pas, les délais deviennent tendus… Nous nous sentons constamment sur la brèche. D’où l’importance d’avoir un entourage de confiance avec qui se serrer les coudes. Ce sont des personnes qui nous recommandent sans se sentir en danger ou qui nous cooptent sur un projet dont le délai est trop court. Ce climat positif me semble fondamental.

Claire Breton, Claudia Faes et Juliette Coupat (crédit photo : Brett Walsh)

Rencontre avec le jury du Prix de la traduction de documentaires audiovisuels 2023

Pour rappel, les membres du jury sont : Anthony Beauvois, adaptateur, Ariane Carbonell, responsable des traductions et du sous-titrage chez Netflix, Philippe Kurzawa, directeur artistique chez Eclair Vanves, Marie Laroussinie, adaptatrice, co-lauréate Prix Documentaires 2022 et Elsa Vandaele, adaptatrice, mention spéciale Prix Documentaires 2022.


À quels critères d’évaluation avez-vous été sensibles lors de cette édition 2023 des Prix ATAA documentaires ?

Elsa Vandaele : Personnellement, j'apprécie avant tout la fidélité au texte original. Tout en évitant la littéralité, bien sûr ! Mais si la phrase originale est un peu trop vague, il est aussi essentiel que les auteurs rajoutent les informations nécessaires pour replacer le contexte. Tout est une question de dosage. Par ailleurs, j'aime quand le texte de la version française magnifie la version originale. Je préfère que le vocabulaire soit légèrement plus sophistiqué – sans pour autant être trop complexe – plutôt qu’appauvri, et qu'il contribue ainsi à l'immersion.

Philippe Kurzawa : En tant que directeur artistique, je suis attentif au calage du texte par rapport à l'image et à la bande-son, et à l'esthétique globale d’un programme. En fonction de la musique et des effets spéciaux, il est parfois essentiel de ne pas parler. Parmi les films visionnés, certains étaient très tassés sur le plan vocal : la narration reprenait immédiatement après une intervention, sans laisser de respiration, alors qu'il y avait de belles virgules musicales à apprécier. Lorsqu'il s'agit d'extraits de films ou d'interviews, il est important d'aérer et d'alléger le texte, et de lui donner le rythme adéquat. Un trop-plein d’information risque de faire passer à côté de l'essentiel et de rendre difficile la compréhension du message de l'auteur.

Anthony Beauvois : J’ai trouvé intéressant que certains adaptateurs et adaptatrices ajoutent à leur texte des notes de bas de page pour justifier l'utilisation d'une expression particulière ou pour expliquer un choix terminologique. Ces notes contenaient des liens vers des sites Internet ou des articles aidant à comprendre les intentions du traducteur. Pour un directeur artistique, qui est le dernier maillon du processus, ce complément d’information peut être précieux pour prendre des décisions éclairées lors de l'enregistrement. Cependant, en tant que jurés, cela nous a posé quelques difficultés : en effet, certaines sources nous ont semblé peu fiables. Par ailleurs, il devenait difficile de juger tous les programmes sur un pied d'égalité sachant que certains auteurs ne fournissaient aucune note ni précision dans le document VF dont nous disposions. Mais peut-être les communiquaient-ils à leurs clients par un autre biais...

Rencontre avec Lucinda Treutenaere

Lauréate du prix ATAA de l’adaptation en sous-titrage d’un film anglophone

Crédit photo : Rémi Poulverel

Bravo pour l’adaptation de Fisherman’s Friends ! Lors de la cérémonie, le public a pu mesurer à vos cris de joie, l’importance que ce Prix ATAA représente pour vous.

C'était une soirée incroyable ! À l’annonce de nos Prix, Emmanuel Menouna Ekani, Éléonore Boudault et moi-même avons littéralement explosé de joie. Ce moment a tellement été chargé en émotions que j'ai eu du mal à m'en remettre. J’étais comme sortie de mon corps. Je n'aurais jamais imaginé remporter ce Prix. Ma nomination me suffisait : c’était déjà une reconnaissance incroyable. Heureusement que Céline Merlin, la responsable de notre service à Titrafilm, m'avait suggéré de préparer un discours. « On ne sait jamais… », disait-elle. Quel précieux conseil ! Sinon, j'aurais été totalement incapable de dire quoi que ce soit sur scène.

Rencontre avec Emmanuel Menouna Ekani

Lauréat du prix ATAA de l’adaptation en sous-titrage d’un film anglophone

Crédit photo : Rémi Poulverel

Dans quel contexte vous a-t-on confié les sous-titres de Space Jam : Nouvelle ère, film pour lequel vous avez reçu un Prix ATAA ?

À 15 ans, j’avais adoré le film original Space Jam avec le mythique Michael Jordan. Ce premier opus avait été un succès. Dès connaissance de la sortie de Space Jam : Nouvelle ère, mon collègue Bob Yangasa – auteur du doublage – et moi-même avons exprimé notre intérêt pour ce projet à la Warner, et envoyé un email pour expliquer notre motivation et démontrer que nous serions la dream team pour cette adaptation. Et nous avons été choisis !

Sur le papier, ce film semblait enthousiasmant. Il rassemblait les mêmes ingrédients que le premier film : des personnages de dessins animés jouant au basket dans un monde fantastique avec la star actuelle du basket LeBron James, un mélange d'animation et de prises de vue réelles, et des séquences comiques. Malgré les critiques mitigées, le film a rempli son rôle de divertissement familial. À titre personnel, je me suis amusé sur ce projet, tout comme mon collègue Bob. C'est toujours gratifiant de contribuer à la traduction de films, même si ce ne sont pas toujours des chefs-d'œuvre cinématographiques. Quoi qu’il en soit, nous croyons tous les deux en l'importance de tenter notre chance et de saisir les opportunités qui se présentent.

Rencontre avec Éléonore Boudault

Lauréate du Prix de l’adaptation en sous-titrage d’un film non anglophone

Éléonore Boudault et ses colauréats de l'adaptation en sous-titrage, Lucinda Treutenaere et Emmanuel Menouna Ekani

Vous avez reçu un Prix ATAA pour l’adaptation en sous-titrage d’un film argentin, alors que vous n’avez que trois ans d’expérience dans l’adaptation. Cela doit être très valorisant ?

Oui, j’étais tellement contente ! D’autant que j'ai adoré travailler sur Le Braquage du siècle. Ce film est non seulement drôle, mais aussi admirablement réalisé et écrit. Sans vouloir minimiser mon travail, on peut dire que des dialogues amusants, rythmés et fluides facilitent grandement le processus de traduction. Lorsque tout coule naturellement, on peut se laisser porter par le film, ce qui rend le travail plus agréable et plus efficace. Or, ce n’est pas toujours le cas… Par exemple, l’anglais peut poser des défis que je ne retrouve pas en espagnol ou en portugais. La plasticité de l’anglais nous confronte parfois à des inventions de verbes – créés à partir de substantifs –, à des raccourcis ou à des pirouettes linguistiques difficiles à traduire en français car notre langue se veut précise et nette. Dans ces cas, nous devons clarifier les choses et aller droit au but.

Crédit photo : Rémi Poulverel

Rencontre avec Sabine de Andria

Membre du comité d’organisation des Prix ATAA

Autrice de sous-titres

Sabine de Andria, lors de la cérémonie 2023

Dans quel contexte les prix ATAA ont-ils été créés ? Qu'est-ce qui a motivé leur création ?

L'ATAA a été créée en 2006. Très rapidement, nous avons eu l'idée d’organiser un événement qui donnerait de la visibilité à l'association. Notre objectif principal était de faire connaître nos métiers et d'exister auprès de la presse, des institutions, de nos partenaires et de nos clients. Nous voulions sortir de l'ombre les auteurs de doublage, de sous-titrage et de voice-over ; montrer que c'était un métier à part entière et prouver que nous exercions tous le même métier, celui d'adaptateur, même si nous travaillions dans des univers différents et dans des conditions différentes.

Le deuxième objectif était d'établir une communication directe entre les auteurs et leurs clients finaux. Nous voulions encourager un dialogue ouvert – l'une des principales missions de l'ATAA – avec les commanditaires, les institutions, etc. Le fait que la cérémonie des Prix se déroule à la Sacem et celle des Prix documentaires à la Scam a par exemple, contribué à cette visibilité et permis de faire entendre la voix des adaptateurs.

Enfin, comme l'a souligné Anaïs Duchet, qui était alors présidente de l’association, nous espérions aussi rassembler toute la profession dans un esprit positif lors d’un événement festif. Une manière de faire exister l’ATAA dans un contexte autre que l’action revendicative ; et d’encourager les bonnes pratiques en mettant en lumière des adaptations de qualité ainsi que leurs auteurs.

Rencontre avec Florian Etcheverry

Membre du jury de l’adaptation en sous-titrage 2023

Lori Rault, Cécile Denise, Rachèl Guillarme, Quentin Rambaud, Florian Etcheverry et Florence Curet pour le jury, Emmanuel Menouna Ekani, Lucinda Treutenaere et Éléonore Boudault pour les lauréat·es

Vous êtes critique de cinéma indépendant pour Les Écrans terribles. Comment s’est déroulé votre travail de juré pour les Prix ATAA ?

Au sein du jury, j'étais le seul professionnel non spécialisé dans le domaine du sous-titrage. Aussi, mon rôle s’apparentait à celui d'un consultant : je portais davantage attention à la qualité de la restitution et à l’expérience artistique qu'aux critères techniques, qui étaient discutés par les autres membres du jury. Dans ce domaine, je leur faisais entièrement confiance. De mon côté, j’ai apporté mon expertise et ma sensibilité. Je regarde énormément de films et de séries en VOST, et même si je parle couramment anglais, j'accorde une grande importance à la qualité des sous-titres. Ils sont essentiels à la restitution d’un programme. Mais leur qualité ne va pas de soi, souvent j’observe que les sous-titres me font sortir de l'histoire...

Retour en images sur la Soirée des prix cinéma 2023

Vous les attendiez avec impatience, voici les photos de la soirée qui s'est tenue le 2 juin à la Sacem !

Commençons avec l'ambiance dans l'auditorium

Interview de Françoise Monier

Lauréate du Prix de l'adaptation en doublage pour le film Licorice Pizza de Paul Thomas Anderson

Crédit photo : Rémi Poulverel

Depuis vos débuts il y a 30 ans, vous avez traduit les plus grands réalisateurs. Avec un tel parcours, les distributeurs et les labos vous déroulent-ils le tapis rouge ?

De façon surprenante, je n'ai pas l'impression d'être privilégiée. Mon seul avantage est de pouvoir refuser les projets trop mal rémunérés ou inintéressants de mon point de vue. Mais on ne peut pas vraiment parler de « tapis rouge », car c'est un secteur très concurrentiel. D’autant que je ne travaille pas sur les blockbusters. Mes goûts cinématographiques m’orientent plutôt vers les films d'auteur et les films d'art et d'essai. Aujourd’hui, je dois encore « lutter » pour qu’on me confie des projets. Cependant, il est arrivé que l’on vienne me chercher. Sachant que j’avais déjà traduit plusieurs films de Spike Lee, Netflix m’a sollicitée pour sous-titrer Da 5 Bloods : Frères de sang diffusé en exclusivité sur leur plateforme. Sans discuter, ils ont accepté un tarif de 5 dollars par sous-titre, mais cela demeure notre seule collaboration. Je sais qu’il y a une véritable disparité entre les films de prestige et le reste des programmes, et que même les plateformes fonctionnent à deux vitesses. Néanmoins, ma situation m’offre la liberté de dire « non » quand je le souhaite : c’est un vrai privilège.