La politique
Quand Fernando Birri, metteur en scène de Santa Fe, Argentine, m’a dit :
– Il faut aider le Nicaragua !
Je lui ai donné non seulement ma traduction, mais aussi ma voix pour commenter le documentaire.
Dans cette Lettre au Nicaragua1, j’en ai plutôt rajouté. Birri me disait :
– Ce n’est pas un peu fort ?
– Allons donc, rien n’est assez fort dans une situation pareille.
Il avait traduit en italien son « Yankee go home ! » par un courtois « Allez-vous en ». J’insistais pour mettre « Foutez le camp ! ». Nous avons enfin transigé et c’est devenu un peu absurde, je l’avoue, dans la bouche d’un gamin de sept ans qui mange paisiblement une orange… le « Hors d’ici, Yankee ! » que j’avais poussé à plusieurs reprises dans la salle d’enregistrement, vibrante de toute mon indignation, malgré les efforts de Birri pour me ramener à plus de « force tranquille ». Je n’en ai pas.
Voilà comment on peut quelquefois atténuer ou accentuer un texte.
Qu’on me pardonne, mais lorsque je lis :
« Comme un astronaute défiant l’espace »…
Je mets :
« Comme un cosmonaute »… rendant ainsi à Gagarine…
Ça ne fait de mal à personne et à moi, ça me fait du bien !
Dans une dramatique pour la télévision, on reprenait une histoire vraie : un viol avait été commis par de jeunes fascistes sur la côte du Latium (ils avaient torturé deux filles et l’une d’elles en était morte). Au cours de la deuxième version « édulcorée » pour ne pas heurter une certaine catégorie de gens, le viol est devenu un viol d’» étudiants chahuteurs extrémistes », que l’on pouvait ainsi attribuer aussi bien à l’extrême droite qu’à l’extrême gauche !
Cette façon de camoufler la vérité, de la fausser, cette technique consistant à la transformer est intolérable. Et typique de la télévision. Je pourrais donner une quantité d’exemples que je ne peux hélas communiquer car je suis tenue par ce maudit « secret professionnel »…
C’est ainsi que dans une série historique (si l’on veut !), un peintre connu de la Renaissance devient, dans la version définitive : « ce pauvre homme de… », alors que dans la première version, c’était : « ce pauvre mécréant de… »
Ils ne laissent rien passer !