C’est avec un plaisir non dissimulé que Rémi Lainé, président du conseil d’administration de la Scam – où siège notre représentante Valérie Julia –, et Hervé Rony, directeur général de la Scam, ont accueilli la 7e édition de la cérémonie de remise du prix de la traduction de documentaires de l’ATAA. Après un an de travaux, le magnifique hôtel particulier offre de nouveaux espaces de travail, dont des studios Image & Son, accessibles gratuitement aux adhérents de la Scam. Chacun est invité à se les approprier. D’autant que Rémi Lainé et Hervé Rony n’ont pas non plus caché leur attachement aux traducteurs de l’audiovisuel dont ils reconnaissent l’apport au métier. En effet, rien n’est-il plus éloigné d’une adaptation professionnelle qu’une traduction DeepL ? Consciente que notre profession est mise à mal, la Scam se bat chaque jour pour négocier des accords. La mobilisation est complète concernant l’intelligence artificielle pour laquelle des possibilités d’encadrement sont à l’étude. Avec un répertoire particulièrement cohérent, la Scam sait qu’elle pèse dans les négociations, de même que les traducteurs dont le poids est réel. Et s’il fallait une autre preuve d’appartenance des traducteurs à la grande famille de la Scam, Rémi Lainé et Hervé Rony ont officiellement annoncé qu’une enveloppe de soutien institutionnel d’un montant de 10 000 euros venait d’être attribuée à l’ATAA.
Sur cette bonne nouvelle, la cérémonie s’est donc ouverte ! Riche d’une trentaine de candidatures, l’édition 2024 du Prix a réuni un jury composé de Mélanie Bréda et Marine Héligon, traductrices de l’audiovisuel, de Claudia Faes, lauréate du Prix de la traduction de documentaires 2023, de Caroline Cadrieu, directrice artistique, comédienne et autrice d’audiodescription, et de Caroline Franck, responsable de site chez EVA Strasbourg. Parmi la douzaine de programmes finalement retenus pour la compétition, notre jury exclusivement féminin a choisi de distinguer le travail d’Isabelle Brulant pour son adaptation de Pétrole, un lobby tout-puissant (Arte). Malgré un sujet pointu mixant sous-titres et voice over, Isabelle Brulant a su rendre digestes le texte et les 300 sous-titres sans jamais les dénaturer. Les intervenants se succèdent, et le spectateur reste happé sans jamais être submergé. « Ça déroule ! » comme l’a résumé Claudia Faes. Selon Isabelle Brulant, l’autre défi de taille résidait dans la retranscription du cynisme et de la langue de bois des politiciens et autres lobbyistes se cachant derrière leur jargon administratif et politique. Partageant son mérite avec sa relectrice Agnès El Kaïm, Isabelle a remercié cette dernière, sans qui le résultat de cette adaptation n'aurait pas été aussi réussi.
Aux antipodes du précédent registre, l’épisode Bœuf séché et sucre en morceaux de la série documentaire Food Factory USA (National Geographic Channel) a aussi remporté l’admiration du jury impressionné par l’adaptation fluide, décalée et pétillante de Lola Wagner. Si ces petits reportages de 22 minutes sur les coulisses de l’agroalimentaire semblent un travail facile à première vue, le rythme effréné, le ping-pong de jeux de mots des deux voix off, ainsi que les passages techniques et industriels révèlent rapidement leur complexité. Récompensée pour sa créativité, Lola Wagner a tenu à remercier sa chargée de projet, Elsa Glasberg-Bonnet, du labo Imagine, de ne pas avoir censuré ses « idées farfelues ».
Les autres finalistes n’étaient pas en reste, car même pour ceux qui n’ont pas remporté de prix, la reconnaissance des pairs était bien au rendez-vous. Stanislas Raguenet et Cristina Fernandez ont été salués pour leur adaptation du Golden boy, partie 2 (Prime Video) retraçant entre interviews et images d’archives, entre anglais et espagnol, le tout entièrement sous-titré, le parcours et la vie privée du célèbre boxeur Oscar de la Hoya. Les deux auteurs ont esquivé avec panache les pièges et les embûches d’un programme à la fois bavard et technique, grâce à un vrai travail d’écriture au style très réussi. Isabelle Sassier et sa traduction du documentaire Luxe, la fabrique du rêve, « épisode 4 - Descente aux enfers » (France TV) ont également convaincu le jury, admiratif de l’intelligence de ses reformulations clarifiant les propos parfois alambiqués ou confus des intervenants, de la pertinence de ses jeux de mots et des qualités idiomatiques des expressions choisies.
Avec un tel palmarès, nous avons désormais les yeux rivés sur la prochaine édition et sur les candidatures 2025. D’autant qu’il convient de donner encore plus de visibilité aux compétences des adaptateurs qui continuent de réaliser un travail de qualité, malgré des tarifs souvent en baisse, des délais qui se restreignent, des tâches annexes qui s’accumulent… Isabelle Miller, présidente de l’ATAA, en a appelé à Charles Brabant – scénariste et cofondateur de la Scam qui a œuvré à élargir le cercle des auteurs – afin qu’il nous inspire dans nos luttes d’aujourd’hui et de demain. Des luttes qui nécessitent de montrer que les adaptateurs existent. Modestes, beaucoup d’auteurs et autrices se récrieront probablement et répondront qu’il ne leur appartient pas de présenter leur travail ! Et pourtant… Isabelle Miller est convaincue que c’est à la profession de se mettre en valeur. L’ATAA a désormais 18 ans et il est temps de faire évoluer nos mentalités pour oser exposer fièrement nos réalisations.
Alors, à vos marques ! Candidatez !
Crédit photo : Brett Walsh