Interview de Marie Laroussinie et Christophe Elson

Lauréats du Prix de la traduction de documentaires télévisés 2022
pour Derrière nos écrans de fumée

Bravo pour ce Prix ! D’autant que vous êtes de tout jeunes adaptateurs. Parlez-nous de vos débuts dans le métier.

Marie Laroussinie : En effet, nous sommes en tout début de carrière. Personnellement, j’ai réalisé ma première adaptation fin 2016. Initialement, je m’imaginais devenir prof d’anglais. Mais après quelques heures de tutorat et de cours particuliers, j’ai compris que ce métier n’était pas fait pour moi. La révélation est survenue à l’occasion de mon stage à Dubbing Brothers en Licence 3 LEA. Lors de ma première journée passée en studio, j’ai immédiatement su que c’était là que je voulais être ! Ce stage s’est déroulé au sein de la production télé : je m’occupais de la recherche de voix, du visionnage, de la convocation des comédiens… C’est de cette manière que j’ai découvert le doublage. Cela m’a tout de suite intéressée, mais je ne connaissais rien au métier… J’ai finalement décidé de suivre le Master en traduction audiovisuelle à l’université de Nanterre. En Master 1, Dubbing Brothers m’a proposé un CDD de remplacement pour m’occuper de la préparation technique : envois en détection, envois aux auteurs, conformations, mise en place de bandes… Au quotidien, je travaillais au contact des adaptateurs, et des détecteurs avec qui je me suis formée aux logiciels. J’ai véritablement commencé la traduction durant mon année de Master 2 où on m’a confié des épisodes des Feux de l’amour.

Christophe Elson : En comparaison de Marie, je suis ultra junior dans ce métier. Je me suis lancé dans la traduction audiovisuelle il y a trois ans seulement. Grâce à son aide ! Suite à un désistement, Marie m’a poussé à saisir l’opportunité qui s’offrait à nous de traduire en binôme un épisode des Feux de l’amour. Étant bilingue, j’avais certes les bases de la langue, mais aucune méthode de travail, ni aucune connaissance des logiciels. Marie m’a formé en accéléré. Ce n’était pas toujours facile : elle a été extrêmement exigeante. Avant cela, j’avais ma société de webmarketing ; et précédemment encore, je traduisais des sites Internet. Mon parcours est plutôt atypique. Surtout si on tient compte du fait que je voulais devenir doubleur voix. Malheureusement, je n’avais ni les capacités vocales ni le talent de comédien… Après les Feux de l’amour, on m’a proposé un premier documentaire Netflix sur les incendies en Californie. Ensuite, les projets se sont enchaînés. Aujourd’hui, c’est la consécration avec ce Prix !

Retour en force du Prix de la traduction de documentaires télévisés

Après un événement retransmis en ligne en 2020 et une édition 2021 annulée, la cérémonie de remise du Prix de la traduction de documentaires télévisés a fait son grand retour en couronnant Marie Laroussinie et Christophe Elson pour l’adaptation de Derrière nos écrans de fumée de Jeff Orlowski. Mention spéciale également pour Elsa Vandaele et sa voice-over de Seaspiracy d’Ali Tabrizi. Retour sur une cérémonie électrisante !

Le jury 2022 et les lauréates - crédit photo : Brett Walsh

Mardi 4 octobre s’est tenue la 5e édition du Prix de la traduction de documentaires télévisés. Lors de cette cérémonie – chaleureusement accueillie dans l’amphithéâtre de la Scam par son Directeur général Hervé Rony – Christophe Elson et Marie Laroussinie ont été récompensés, respectivement en voice-over et en doublage synchro, pour leur adaptation extrêmement dynamique et bluffante de Derrière nos écrans de fumée de Jeff Orlowski. Une traduction qui a su retranscrire avec efficacité un univers pointu avec ses mécanismes tant techniques que psychologiques, et trouver le bon équilibre entre fidélité et liberté syntaxique. Un sans-faute selon le jury !

Interview du jury du prix de la traduction de documentaires télévisés 2022

Denis Cherer, comédien voix, comédien de théâtre, auteur et scénariste
Laurène Mansuy, chargée de programmes à Arte
Stanislas Raguenet, traducteur de l'audiovisuel et finaliste du prix en 2020
Laurence Vager, adaptatrice de voice over et directrice artistique

Le jury 2022 est complété d'Olivia Azoulay, traductrice de l'audiovisuel

Quels sont vos critères pour juger d’une bonne traduction ?

Stanislas Raguenet : Il y en a tellement ! De façon très subjective, je m’attends d’abord à être embarqué, à oublier qu’il s’agit d’une adaptation. Je suis bien sûr attentif aux trouvailles, à la créativité, à la qualité de l’écriture, ainsi qu’à l’équilibre entre trop de sagesse et trop d’éclat : il faut savoir s’approprier le texte sans pour autant lui voler la lumière. Sur un plan plus objectif, l’exercice de concision, la fidélité aux registres de langue et la précision des recherches sont bien sûr des impératifs évidents. De façon plus spécifique, en sous-titrage, je porte un regard sévère sur le repérage, qui a un impact essentiel sur la façon dont les sous-titres seront compris dans l’immédiateté du visionnage. En voice-over, l’oralité de la traduction est bien sûr un critère essentiel. Les directeurs artistiques et comédiens de doublage souffrent devant un texte qui n’a pas été relu à voix haute !

Interview de Lou Potier

Lou Potier, fondatrice et directrice associée de Telos Adaptation

Cette année, vous avez été jurée ATAA pour le prix de l’adaptation en sous-titrage d’une série. Parlez-nous de cette première fois.


Être jurée a été une expérience intéressante et extrêmement enrichissante ! J’ai aimé ce travail collégial, réalisé sur un temps long, ce cheminement sur toute une année... J’ai beaucoup appris, d’autant qu’on n’a jamais fini de se perfectionner sur ce qui définit un bon sous-titrage ou une bonne adaptation. Je me suis aussi investie dans cette mission car les prix ATAA me semblaient complètement en phase avec le positionnement de TELOS Adaptation qui essaie de valoriser ce métier en s’inscrivant dans une démarche éthique, qui vise la plus grande qualité. Car ce métier relève de la transcréation. Il nous faut toujours être à la hauteur de l’œuvre.

Interview de Carole Remy

Lauréate du Prix de l’adaptation en sous-titres
pour la série What We Do In The Shadows

Vous avez remporté le prix de l’adaptation en sous-titres pour la saison 3 de la série What We Do In The Shadows, en binôme avec Hélène Apter. Lors de votre discours, vous avez remercié de nombreuses personnes. C’était très émouvant.

Lors de la cérémonie, il m’a semblé naturel de remercier le labo et la chaîne qui m’ont donné l’opportunité de traduire cette série que j’adore. Avec Hélène, nous avons commencé à travailler sur ce projet à partir de la saison 2 et je remercie encore l’équipe de la version française pour sa collaboration, ainsi que les auteures de la saison 1 dont les sous-titres étaient géniaux. Leur bible a été une excellente base de travail. Évidemment, je ne pouvais que remercier les personnes avec qui je loue un espace de coworking et qui partagent mon quotidien. Ainsi qu’une de mes amies du métier qui m’a toujours soutenue au cours de ma carrière et avec qui j’ai beaucoup appris en travaillant en binôme.

Le prix de l’ATAA arrive à un moment où je me sens très épanouie dans ce métier, tant en termes de carrière que sur le plan intellectuel. Et quand le jury a déclaré dans son discours que nos blagues françaises les avaient fait autant rire que la version originale, j’avoue que cela a représenté le plus beau des cadeaux !

Interview de Christel Salgues

Christel Salgues – Directrice du Département doublage de TF1
– au sein du Pôle contenu –
pour les acquisitions de fiction/jeunesse étrangères et les coproductions internationales

De quelle manière êtes-vous devenue jurée pour les prix ATAA ?

Quand j’ai rencontré Juliette de la Cruz, nous avons eu de nombreuses discussions passionnantes sur le métier d’adaptateur, sur ses difficultés et le manque de considération du secteur. Je comprenais son point de vue et trouvais que le projet de l’ATAA était vertueux : vouloir exister et acquérir un respect professionnel légitime. Je me suis associée à cette idée et j’ai immédiatement accepté d’être jurée quand on me l’a proposé pour le prix de l’adaptation en doublage Cinéma de 2015 et 2016. C’était notre manière de signifier le soutien de TF1 à la profession et de mettre en valeur son savoir-faire. D’autant qu’à l’époque nous adaptions un nombre phénoménal de séries ! Par ailleurs, la création de l’ATAA avait un sens évident, les comédiens ayant déjà leur propre syndicat, les sociétés de doublage aussi…

Interview d'Hélène Apter

Hélène Apter, lauréate du prix de l’adaptation en sous-titrage
pour la série What We Do In The Shadows

Félicitations pour votre prix pour l’adaptation en sous-titrage de la série What We Do In The Shadows ! Cette récompense a-t-elle une valeur particulière à vos yeux ?

De 2018 à 2021, j’ai été jurée pour les prix ATAA sous-titrage cinéma, donc je sais tout le décorticage et toutes les discussions qui ont dû avoir lieu pour attribuer ce prix. En tant que membre du jury, nous y consacrons beaucoup de temps : nous sommes attentifs à chaque détail, nous cherchons la petite bête… Aussi, je suis d’autant plus touchée et flattée que mon travail soit reconnu par des consœurs/confrères et des professionnels du métier qui savent vraiment ce que cela implique. Et c’est un grand honneur, même si je ne réalise pas encore tout à fait.

Interview de Fanny Gusciglio et Stéphane Lévine

Fanny Gusciglio et Stéphane Lévine
Prix de l’adaptation en doublage pour la série Physical.

Cette année, vous avez remporté le prix de l’adaptation en doublage pour la série Physical. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

Fanny : C’est un honneur et un immense bonheur de recevoir cette reconnaissance. Cette année – tout comme les Prix ATAA – je fête mes 10 ans de carrière de traductrice-adaptatrice : ce prix détient donc une grande valeur symbolique. J’en remercie l’ATAA, ainsi que les organisateurs et le jury dont le travail est impressionnant. Quel don de soi !

Stéphane : Franchement, ce prix me fait du bien ! Il me donne l’impression que des personnes qualifiées ont remarqué que j’avais travaillé dur. Ou plutôt que j’avais fait de mon mieux.

10e édition des Prix ATAA

Dans un parfait alignement d’étoiles, tous les ingrédients ont été réunis mardi 14 juin 2022 pour célébrer les 10 ans des prix ATAA !

Une salle comble, des discours enthousiasmants, une terrasse éclairée par la pleine lune et les lumières de la Défense, mais aussi de l’émotion… Celle des lauréats, celle aussi de tous les convives appelés à se lever successivement dans l’amphithéâtre de la Sacem : tous ceux et celles qui ont contribué à l’organisation ou aux jurys de l’ATAA, tous les lauréats des précédentes années, tous les studios de production et autres laboratoires… Une manière symbolique de mettre en lumière le rôle de chacun et l’importance de tous dans notre secteur d’activité et dans la vitalité de cet événement annuel devenu incontournable pour la profession.

Interview de Quentin Rambaud

Quentin Rambaud, lauréat 2021 et juré pour le prix en sous-titrage Cinéma 2023

En 2021, vous avez reçu le prix ATAA en sous-titrage Cinéma pour le film Yesterday. Qu’avez-vous ressenti ?

Cela a été une immense joie ! Et une grande fierté ! Initialement, les prix ATAA étaient peu connus et reconnus. Désormais, ils font parler d’eux : cette reconnaissance est amplement méritée pour la profession. Selon moi, les auteurs-adaptateurs méritent la même visibilité que de nombreux autres métiers – notamment les métiers techniques du cinéma – qui possèdent leurs propres récompenses. Par ailleurs, cela a été un bonheur double de recevoir ce prix pour un film que j'avais vraiment aimé traduire et dont l'univers m'était cher. Un grand merci à l’ATAA et au distributeur du film qui m'a offert des conditions de travail idéales !

Interview de David Auroux

David Auroux, juré Prix en sous-titrage séries 2022 et lauréat 2021

En 2012 et 2013, vous avez été juré pour le prix du sous-titrage cinéma. Parlez-nous de cette première expérience au sein d’un jury ATAA.

C'est une amie traductrice qui m'a proposé de rejoindre le jury parce qu'elle savait que j'allais beaucoup au cinéma. À l'époque, il n'y avait pas de rattrapage en DVD pour les jurés et il fallait voir les films en salle, au moment de leur sortie, en prenant des notes dans le noir pendant la projection ! J’ai accepté par curiosité. Au tout début, j’étais indulgent quand je voyais des erreurs dans les adaptations : je trouvais toujours des circonstances atténuantes, je ne voulais pas être trop sévère. Cependant, ce rôle m’a permis d’aiguiser mon œil, et de voir ce qui convient ou ce qui gêne dans le sous-titrage d'un film. Devenir juré offre l’opportunité de confronter les points de vue, de bénéficier de regards extérieurs et aide à prendre du recul. Surtout, nous devons développer nos arguments : impossible de se contenter d’un « j’aime » ou « je n’aime pas ». Toutes nos discussions sont très constructives. Être juré rend également plus critique sur notre propre travail. Cela nous inspire et donne des idées. Voir comment nos confrères et consœurs s’en sortent sur une formule compliquée enrichit notre savoir-faire.

Interview d'Ariane Carbonell

Ariane Carbonell, responsable des traductions (French Language Manager)
à Netflix France

Cette année, vous êtes membre d’un jury pour les prix de l’ATAA. Qu’est-ce qui vous a décidé à participer ?

Des membres du comité directeur de l’ATAA m’avaient déjà sollicitée par le passé pour faire partie d’un jury, mais j’avais toujours refusé essentiellement par manque de temps. En effet, être juré demande une véritable implication ! Mais cette année, j’ai considéré que c’était le moment de contribuer à cet événement, car c’est un important coup de projecteur sur le métier d’adaptateur. Un métier méconnu du grand public, car invisible quand il est bien fait !
Jusqu’ici, j’assistais seulement à la cérémonie annuelle de remise des prix. Pour moi, c’est the place to be ! Cette cérémonie est devenue l'événement incontournable de la profession. Chaque année, il y a de plus en plus de participants : auteurs, diffuseurs, distributeurs… C’est l’opportunité de réunir les acteurs de la profession et de parler de la qualité des adaptations, des méthodes de travail des traducteurs, de leurs difficultés et évidemment de récompenser un travail de qualité. Aujourd’hui, je suis ravie de participer, d’autant plus que je suis la seule représentante d'un service de streaming à faire partie d'un jury ATAA. C’est une première !