Dysfonctionnements et déni de démocratie à la Sécurité sociale des artistes-auteurs

Membre du conseil d'administration de la sécurité sociale des artistes-auteurs (SSAA), l'ATAA est signataire, avec d'autres organisations, d'une lettre ouverte aux ministères de la Culture et de la Santé, ses deux ministères de tutelle, afin de dénoncer le dysfonctionnement de cette organisation censée exercer des missions de service public, gérer le régime social des artistes-auteurs et assurer plusieurs missions au service des artistes-auteurs.

IAG et droit d'auteur, l'opt-out et l'opt-in

On n’est pas forcément OK quand on est in, ni KO quand on est out, l'ATAA vous explique.

L’opt-out, c’est ce qui s’applique aujourd’hui en matière de droit d’auteur et d’IAG. C’est le Droit d’opposition personnel (dispositif défini aux articles L211-3 8°, L122-5 III et R122-28 du Code de la propriété intellectuelle) à l’utilisation de nos travaux pour le développement ou l’entraînement d’outils d’IAG. Pour faire simple, tant que je n’ai pas refusé expressément qu’on utilise mon travail, tant que je n’ai pas usé de mon opt-out, je suis réputé avoir accepté. Qui ne dit mot consent, quoi. Oui, ça fait mal. Mais on peut “dire mot”. Ce que la SACEM et la SCAM ont d’ailleurs déjà fait. Ces deux organismes ont fait valoir leur opt-out, leur droit d’opposition, pour les œuvres déposées dans leurs répertoires. Vous pouvez, en plus de la protection offerte par ces deux OGC aux œuvres que vous déposez auprès d’eux, faire figurer une mention toute simple au bas de tout courrier transmis à vos clients et de vos notes de droits d’auteur (l’ATAA a mis à jour son modèle en ce sens).

Mais on pourrait aller encore plus loin si l’opt-in était loi. Car à l’inverse du fonctionnement actuel, si le principe d’opt-in s’appliquait, nos travaux seraient protégés par défaut (oui, vous avez bien lu, sans qu’on n’ait rien à faire) contre l’utilisation pour le développement ou l’entraînement d’IAG. Tant qu’on n’aurait pas accepté expressément cette utilisation, on serait réputé l’avoir refusée. Vous l’aurez compris (enfin, on l’espère…), il nous semble essentiel de défendre à la fois une application de l’opt-out et une modification de la réglementation pour basculer vers le principe de l’opt-in.

IAG et traduction - la post-édition

Attention, danger !

Les machines, ces outils initialement conçus pour faciliter nos travaux divers, vous connaissez ? On prédit depuis déjà longtemps qu'elles vont nous remplacer, entretenant une vaste supercherie. Leurs plus fervents défenseurs reconnaissent pourtant l'imperfection des productions issues de machines. Et l’ATAA, comme ses adhérents, reçoit de plus en plus souvent des questions et des propositions autour de la post-édition. Si vous ne savez pas bien ce que c’est, c’est normal, car ce terme est l’exemple même d’une mauvaise traduction.

Issue de l’anglais “post-edit”, cette pratique consiste à retravailler une sortie machine pour que le texte ainsi transposé (on ne peut plus vraiment parler ici ni de traduction ni d’adaptation) d’une langue à une autre retrouve la forme et les caractéristiques d’une traduction ou d’une adaptation réalisée par un humain. Cette pratique, fondée sur une vision chimérique et statistique de la traduction (un mot ou un groupe de mots en langue A = un mot ou un groupe de mots en langue B), emporte plusieurs risques majeurs.

La multiplication de textes et documents issus de machines et plus ou moins améliorés par des humains mène (déjà !) à une standardisation et à un appauvrissement de nos langues et de nos pensées.

IAG et traduction

Ce que nous devons aux Babyloniens, à Alan Turing et à leurs successeurs

Voilà bien longtemps que l'homme a intégré l'existence de différentes langues non comme un progrès, une richesse culturelle, comme le fruit des évolutions de ses pensées, comme l'expression de ses adaptions à des contextes naturels, historiques, politiques ou sociaux divers, mais plutôt comme une punition mythique, un obstacle à surmonter pour faciliter, voire libérer, les échanges humains de toutes natures.

Voilà donc bien longtemps aussi qu'il tente par différents moyens de vaincre cet obstacle, de contourner cette punition.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, la défense des libertés passait par l'interception et le décodage de messages secrets. Ces messages étaient codés pour n'être lisibles par leur destinataire qu'après un décryptage, au moyen d'un système de codage connu de lui et de l'émetteur du message. De là, entre autres, est née la supercherie, le mirage d'une possibilité de traduction automatique fondée sur l'idée qu'une langue serait un code, et que passer d'une langue à une autre reviendrait finalement à transposer un message d'un code à un autre.

Les premiers modèles de traduction automatique ont ainsi été développés à partir de listes de mots, complétées de règles syntaxiques, grammaticales et linguistiques pour chaque langue des combinaisons recherchées. L'ajout de ces règles permettait, avec un travail d'arborescence, d'améliorer les résultats de transcodage pour imiter un message rédigé directement dans la langue cible.

Puis les chercheurs commencèrent à envisager, en s'inspirant de la biologie, l'idée que les machines puissent, à partir de ces données, "apprendre" par elles-mêmes comment traduire en développant des réseaux dit neuronaux, c'est-à-dire supposément inspirés de la structure neurone du cerveau humain. Pour faire fonctionner ces réseaux, la machine doit en premier lieu comparer d'immenses corpus de textes disponibles dans deux langues. À partir de cette étude, elle crée une représentation spatiale de chaque langue, un modèle d'organisation linguistique, établi, pour chaque combinaison de langue source et de langue cible, sur la base d'occurrences et de proximités récurrentes de mots ou groupes de mots les uns par rapport aux autres. Le résultat du transcodage est ici obtenu à partir d'un calcul statistique, de probabilité, en somme.

Deauville, le retour

(des sous-titres calamiteux)

En 2020, plusieurs membres de l’ATAA qui assistaient pour leur plaisir au Festival du film américain de Deauville s’émouvaient dans un billet de blog de la piètre (c’est peu dire) qualité de beaucoup de sous-titrages des films présentés en sélection, notamment des films n’ayant pas de distributeur français. Visiblement, c’était s’époumoner pour rien : force est de constater que la qualité n’a fait qu’empirer, notamment sous l’influence de la machine dont on nous promet qu’elle peut avantageusement remplacer les traducteurs, appelée même « intelligence » artificielle, mais on se demande bien pourquoi ici. Car celle-ci montre clairement ses limites (alerte spoiler !) par son absence de prise de décision sensible, de désambiguïsation, d’analyse de l’image ou du contexte ou simplement de la langue.

Les équipes de films ou productions américaines de ces films indépendants souvent à petit budget se retrouvent sans doute tentées de « simplement » passer leur fichier de sous-titres anglais dans une moulinette de traduction automatique, et cela sans que l’équipe du Festival n’ait contrôlé le résultat catastrophique, si l’on en croit les erreurs grossières, systématismes absurdes et répétitions inutiles qu’une intelligence humaine ne ferait jamais, les non-dits non traités et facteurs de contresens, les références culturelles ou traits d’humour qui passent à la trappe, les choix sémantiques inexistants et les subtilités de sens ou de registre de langue allègrement piétinées. En deux mots comme en cent, bien souvent, ça n’avait AUCUN SENS.

On pourrait relever une certaine ironie dans le fait que ce Festival qui se targue d’être un dialogue entre le cinéma américain et le cinéma français, comme cela a été répété toute la semaine, fasse aussi peu de cas de la traduction des dialogues des films qu’elle présente. De toute évidence, en laissant faire ces pratiques de traduction automatique ou non professionnelle, le Festival laisse la langue se faire maltraiter, au mépris des œuvres, des équipes de films et du public.

Comme s’en prévaut le Festival, il s’agit d’une semaine de rencontres cinématographiques prestigieuses, pas d’un petit festival du coin bricolé avec les moyens du bord. Le contraste est particulièrement saisissant entre les moyens mis pour les tapis rouges, grands invités et autres tralalas, et l’amateurisme des sous-titres, qui rayent la rétine du public au même titre qu’une image qui serait floue ou déformée. Nombreux étaient les spectateurs qui se déclaraient gênés en fin de projection, ayant eu du mal à suivre le film projeté du fait de sous-titres surchargés, truffés de fautes et d’approximations, voire totalement incompréhensibles.

Pourquoi le Festival néglige-t-il ce pan entier de la post-production et de la diffusion des œuvres, au risque de se discréditer, tout en prétendant mettre à l’honneur lesdites œuvres ?

Pourquoi les productions prennent-elles le risque que leur film soit incompris, son propos, son atmosphère et son esthétisme trahis par une machine dénuée de compréhension ?

Petites études de cas par les membres de l’ATAA qui avaient fait le déplacement cette année et ont courageusement souffert pour offrir ce compte rendu 😊

A paradigm shift

Interview published in the SNAC* Authors' Newsletter no. 152, January 2023.

Deluxe US Collective


*National union of authors and composers

Authors' Newsletter: What are your thoughts about subtitling using an online interface?

Collective: It is a way of working that completely transforms our working conditions and also, doubtless, the work itself and - in the long term - our status. Deluxe Media Inc. ("Deluxe US"), like Eikon, Iyuno and TransPerfect which operate in similar fashion, offers a subtitling service for programmes all over the world, particularly for VOD platforms such as Netflix, Disney+ and Amazon Prime Video and, to a lesser extent, for theatrical releases. To do this, they oblige authors to work on a streaming interface; the Deluxe US one is called "Sfera". Authors can only communicate by email with their designated "Project Coordinator". The "PC"s don't know the work we do, and that is a constant source of errors and wasted time. The division of labour means that coordinators have no leeway, so they avoid all questions and use a form of Newspeak which would be worth examining in order to assess its influence on this groundbreaking project.

The countless errors with the project - errors about what the job entails; wrong versions (often not the latest) of the film being sent - give rise to a cascade of pointless emails and orders to undertake sometimes meaningless tasks. An example: having to submit three French titles for a film based on a book that already has a French title, when the film is to be released under the original title. We may sometimes receive over 100 emails for a film without much dialogue, whereas with a French company everything is settled with a dozen emails and a few phone calls.

The platform, Sfera, is inefficient and less precise than the early software from the 1980s. Not only does it crash regularly, sometimes losing our subtitles like in the '90s, back in the days of floppy disks, it also tries to impose a new working model that modifies all the steps of the subtitling process, slowly leading to the loss of our independence and autonomy.


APPEL AUX FORCES VIVES !

On a vu que lorsqu'on s'unissait, cela portait ses fruits : les collectifs ont obtenu de belles avancées en termes de revalorisation des tarifs, amélioration de certaines conditions de travail, dialogue renoué avec certains clients.

Il reste de la route à faire (augmenter les tarifs de sous-titrage, généraliser les bonnes pratiques, maintenir le dialogue avec les clients frileux, et obtenir d'être rémunérés pour des tâches annexes chronophages...).

Pourquoi je vous dis ça ?

Parce que les infos que vous venez chercher ici, vous sont bien souvent données généreusement par des consœurs et confrères qui prennent sur leur temps pour partager leur expérience avec vous.

Nous avons tous une vie, plus ou moins de travail, plus ou moins de difficultés à affronter le quotidien.

Pour nous aider, il y a notre syndicat, bien sûr (le SNAC, n'hésitez pas à adhérer : plus il y a d'adhérents, plus le syndicat a de poids face aux organismes officiels ; mais aussi le STAA et le SNAA-FO) mais aussi les associations, comme l'ATAA.

L'ATAA se bat depuis toujours pour représenter TOUTES LES AUTRICES / TOUS LES AUTEURS, quelle que soit leur spécialité.

Mais une association c'est quoi ?

Ce sont des membres, comme vous et moi, qui paient leur cotisation, comme vous et moi, MAIS QUI EN PLUS se démènent pour TOUT LE MONDE.

Une association, ce sont des bénévoles qui prennent sur le temps personnel / familial / de travail, pour accomplir des tâches sans lesquelles l'asso ne vivrait pas / ne ferait rien / ne servirait à rien ni personne.

Aujourd'hui l'ATAA compte 574 membres.

A votre avis, combien font tourner la boutique ?

HUIT.

Huit personnes seulement sont au CA.

Huit personnes seulement s'occupent de nous représenter à divers niveaux ou de dialoguer avec diverses instances (SACEM / SCAM / organisations sœurs en Europe / SNAC / ...).

Huit personnes seulement se battent quotidiennement pour améliorer NOS conditions de travail, NOS tarifs, NOS chances de trouver du travail dans des conditions décentes.

HUIT sur 574, ça fait 1 membre de CA pour 72 adhérents (environ).

C'est un peu comme si vous partiez en excursion dans la jungle avec un seul guide pour 72 personnes, qui devrait servir à la fois de guide, de médecin, de référent avec les autorités locales (pas toujours aimables), de cuistot, tout en maniant le coupe-coupe en avant de la file mais en se préoccupant de ne pas semer ceux qui sont à l'arrière...

Vous voyez mieux où je veux en venir ?

Une association ne vit que par ceux qui la font vivre : ses adhérents.

NOUS SOMMES les adhérents.

Si l'asso ne parvient plus à tourner, par manque de moyens, de forces vives, c'est nous tous qui perdrons l'occasion de continuer à travailler.

Certains pensent parfois qu'il suffit de payer sa cotisation pour être quitte.

En réalité, c'est faux.

La cotisation est plus symbolique qu'autre chose : elle indique d'abord l'appartenance à un collectif. Ensuite, elle donne à l'association les moyens de payer une salle pour se réunir, un traiteur pour avoir quelque chose à manger...

Mais elle ne rémunère pas les membres du CA pour le temps qu'ils passent à nous défendre, c'est d'ailleurs interdit par la loi 1901 dont dépendent toutes les assos (à but non lucratif, donc).

Rien à voir avec la SACEM, à qui vous payez des frais de gestion (exorbitants à mon sens) pour que des salariés s'occupent (plus ou moins efficacement) de vos dossiers.

Aujourd'hui, l'ATAA a besoin de sang neuf (là, vous pouvez imaginer une scène sacrificielle sanguinolente mais en vrai, je voyais plus une grande fiesta où tout le monde s'éclate).

L'ATAA a besoin de forces vives.

Quelqu'un m'a dit : "c'est de bras, de cerveaux et de bonne volonté qu’on manque".

Et ça tombe bien : parmi nous, je SAIS qu'il y a des cerveaux, des bras et de la bonne volonté.

Alors promis, aider le collectif, ça fait pas mal, ça prend pas tout le temps de la vie, parce qu'en vrai, plus y a de bras (plus y a de chocolat), plus la part de chacun est légère à porter.

On l'a vu : le collectif porte ses fruits.

Tout le monde y gagne.

On va plus loin.

On a tous plus de chances de s'en sortir.

Alors engagez-vous (qu'ils disaient) : adhérez... et surtout, aidez !

Prenez contact avec info@ataa.fr 😊

Que la force soit avec nous...

Associativement vôtre.

Infolettre d'avril 2023

Chères Ataaïennes, chers Ataaïens,

C'est le printemps ! Si, si, on vous assure. D'ailleurs décollez un instant le nez de l'écran ou du clavier, regardez par la fenêtre, s'il fait encore jour au moment où vous lisez ces mots, vous verrez des bourgeons, des fleurs, des oiseaux tout émoustillés, bref, le retour de la vie, quoi (résurrection, à quelques jours de Pâques ?…). Mais l'ATAA n'a pas vraiment hiberné cette année encore, ce qui ne l'empêche pas d'avoir aussi plein de dossiers sur le feu… Retour sur ces 4 derniers mois, donc, et perspectives pour les prochains (pour les feignants ou pressés, il est toujours possible de se contenter d'un petit coup d'œil au journal pour voir ce qu'on a fabriqué).


Nous nous sommes rendus visibles, sous différentes formes et pour divers médias : l'enquête du Film Français parue le 2 décembre 2022 sur le sous-titrage automatique, plusieurs entretiens pour Le Bulletin des auteurs du SNAC, une interview à l'occasion d'une chronique d'Europe 1 sur le sous-titrage de programmes sportifs, et encore quelques autres à paraître. Le travail accompli sur les réseaux sociaux n'est sans doute pas étranger à ces différentes sollicitations. Nous avons en effet trois campagnes en cours :

le lundi, une campagne pédagogique avec des vignettes sur nos métiers sur Twitter et LinkedIn,

le mercredi, une campagne coup de projecteur, pour mettre en lumière des travaux réalisés dans de bonnes conditions, en lien avec l'actualité,

le vendredi, une campagne sous-titres improbables pour montrer les dégâts des mauvaises pratiques.

N'hésitez pas à relayer nos publications, et à nous envoyer vos propositions de contribution via le discord ou par email. Ça ne prend pas beaucoup de temps et c'est un travail qui, en plus de nous rendre visibles, sert d'argument aux prestataires comme à nos interlocuteurs chez les commanditaires, pour montrer la différence entre travail professionnel et massacre.

Nous avons accompagné les collectifs qui avaient encore besoin de nous. Bravo au collectif Chinkel VSI en doublage qui a obtenu de belles avancées en peu de temps, et nous pouvons au passage saluer la réactivité de ce prestataire. Nous étions aussi avec le collectif doublage lors d'une nouvelle visite à Dubbing Brothers pour entériner les avancées accomplies et maintenir le contact, ainsi qu'avec le collectif EVA Eclair France pour un premier rendez-vous de négociations autour du doublage et du voice-over. Nous avons enfin soutenu le collectif sous-titrage Hiventy pour leur premier rendez-vous et continuerons de les soutenir. N'hésitez pas à vous mobiliser pour faire progresser nos conditions de travail. Nous serons toujours là pour vous accompagner !

Nous avons poursuivi notre travail de fond auprès des prestataires et commanditaires pour faciliter et prolonger ces démarches. Nous rencontrons régulièrement Netflix, qui va prochainement organiser un atelier en partenariat avec l'ATAA. Nous y reviendrons bientôt. Nous avons échangé avec le SNAC pour envisager la meilleure manière de poursuivre les premiers contacts pris avec la FICAM. Nous avons également été invités à rencontrer les responsables de Titra Films dans leurs locaux, une visite très chaleureuse qui nous encourage à poursuivre le travail engagé auprès des commanditaires, les dirigeants de Titra nous encourageant à nous fédérer, nous mobiliser pour faire entendre à leurs clients la nécessité d'augmenter nos tarifs. Nous nous sommes rendus dans la foulée au siège d'Amazon Prime Video dans une ambiance là aussi très ouverte et propice aux échanges. Nous avons pu clarifier leur fonctionnement et notamment comprendre qu'une grosse partie des programmes étaient achetés directement en version adaptée, échappant ainsi au radar de leur service « de localisation ». Continuez donc à alimenter le tableau des tarifs, une source d'information très précieuse, qui constitue une base indispensable à toute discussion de ce type. Dans la mesure du possible, il faudrait aussi y faire la distinction entre programmes produits par Amazon Prime Video (avec label Amazon Originals) et les autres (ceux qui échappent au service de « localisation », donc). La même distinction vaut probablement pour toutes les plateformes… À suivre.

Nous avons continué de réfléchir et d'effectuer un travail de veille concernant « la traduction automatique », en rencontrant notamment l'ATLF avec laquelle nous avons déjà travaillé à ce sujet.

Le travail de fond et de réflexion se poursuit aussi dans le domaine du jeu vidéo avec quelques prises de contact intéressantes et une meilleure appréhension des enjeux juridiques et de droit d'auteur dans ce secteur.

Nous avons assisté aux deux premières réunions du conseil d'administration de la nouvelle Sécurité sociale des artistes-auteurs. Et si vous n'avez pas bien compris ce que c'est ou comment ça marche, Jean-François Cornu, l'un de nos deux représentants, vous en dira prochainement un peu plus.

Nous avons déposé une demande de subvention à la SACEM, qui a renouvelé sa confiance de manière tout à fait mesurée. Tout coup de main pour des demandes de subventions serait d'ailleurs bienvenu, car nous avons encore quelques projets dans notre escarcelle. Nous faisons le choix de maintenir un tarif d'adhésion abordable, ce qui limite notre budget. Tout argent supplémentaire donnerait du souffle pour les projets en cours et de nouveaux dont nous avons déjà les graines :

grand forum AVTE,

maison de la traduction,

travail juridique pour un meilleur encadrement et plus grande protection de nos pratiques,

publication des résultats de notre enquête statistique...

Si vous voulez participer à des événements sympas, sachez que l'ATAA sera présente

à l'université d'été de la SFT du 25 au 27 août à Angers,

à une journée « sous-titrage » organisée par la SFT en septembre-octobre à Toulouse.

Nous cherchons des intervenants pour ces évenements. Et vos initiatives, votre aide sont les bienvenus et peuvent se manifester de manière toute simple.

Enfin, et là, c'est un super événement, super sympa, pour lequel on a besoin d'un super coup de main dans plein de super domaines (coordination, informatique basique, aide au comité,…), j'ai nommé…

Les prix ATAA de la traduction audiovisuelle !!! À vos agendas, ce super moment super paillettes et bulles aura lieu le 2 juin prochain. On espère vous y voir nombreux, et aussi que vous serez nombreux à vous proposer pour aider le super comité des prix super essoufflé.

L’ATAA sera aussi présente à l’assemblée générale de l’AVTE, la fédération européenne des traducteurs de l’audiovisuel, qui aura lieu à Ljubljana les 11 et 12 mai prochains. L’occasion notamment de faire le point sur l’évolution de la législation européenne en matière de négociation collective pour les travailleurs indépendants.

Nous espérons aussi vous voir (ou au moins vous entendre…) au prochain conseil d'administration en mai dont nous vous communiquerons la date et le lieu un peu avant et d'ici-là, n'hésitez pas à nous écrire, vous aussi…

Le CA de l'ATAA

Plateformes : la grande braderie des sous-titres

Entretien avec une traductrice expérimentée

(Retrouvez la version anglaise ici)

Maï, tu as récemment fait part dans le forum de l'ATAA d'une proposition d'un de tes clients. Peux-tu nous en dire un peu plus ?

J'ai été contactée par un grand laboratoire parisien en décembre 2022 pour sous-titrer une série phare, très prestigieuse, une mini-série dont ils me proposaient tous les épisodes avec un délai très confortable (4 mois pour 7 épisodes de 45 minutes). On m'a annoncé le tarif de 16 € la minute (repérage à faire).

On m'a prévenue qu'il y aurait beaucoup de documents annexes : tableaux à remplir, localisation list (liste de termes récurrents ou significatifs pour la série, dont le client souhaite contrôler et harmoniser la traduction entre le doublage et le sous-titrage), liste des textes écrits à l'écran… Ces documents demandent beaucoup de travail supplémentaire et de la coordination entre les équipes de doublage et de sous-titrage. Ces travaux annexes, qui se sont multipliés ces dernières années, ne sont malheureusement pas rémunérés. Mais des discussions sont en cours par l'intermédiaire de collectifs d'auteurs afin qu'ils le soient. La chargée de projet avait l'air de s'excuser de l'ampleur de ces tâches et avançait qu'un dédommagement pour la simulation [étape de relecture et de vérification du sous-titrage] pourrait être envisagé afin de compenser cette surcharge de travail.

D'abord séduite par le projet et par l'équipe de doublage dont je connaissais l’un des auteurs, entraînée par mon envie et par le thème de la série, j'ai donné mon accord de principe. Mais après avoir réfléchi quelques jours, j'ai fait des calculs. Quand un programme est assez bavard, comme le sont souvent les séries, on peut compter en moyenne 18 sous-titres par minute. Le tarif proposé équivalait donc à 88 centimes le sous-titre, alors que j'ai la chance de travailler habituellement entre 3,50 € et 4,30 € le sous-titre. J'ai alors rappelé la chargée de projet pour refuser, lui expliquant que ce tarif n'était pas adapté et que, ayant à cœur de défendre de bons tarifs pour toute la profession, je ne pouvais décemment pas accepter un tarif aussi bas.

C'était la première fois que j'étais contactée pour un programme à destination d'Amazon en sous-titrage. On m'a proposé en parallèle un doublage avec un tarif relativement correct, (28,60 € la minute) et j'ai accepté.

Fighting for our Rates

A Subtitler Speaks from Experience

(To read the French version, click here)

Maï, in the ATAA forum, you recently told us about a job one of your clients offered to you. Can you tell us more about it?

A large postproduction studio in Paris contacted me in December 2022 about subtitling all the episodes of a very prestigious, very successful mini-series with a very comfortable turnaround time (4 months to do 7 45-minute episodes). They told me the rate would be 16 € per minute (for both adaptation and timespotting).

They also told me there would be a lot of extra work I’d have to do, like filling in tables, preparing a list of on-screen texts and a localisation list which is a list of recurring and/or important words specific to the series the client wants so they can check everything and ensure a uniform translation for both the dubbing scripts and the subtitles. Preparing these documents requires a lot of additional time and coordination with the dubbing and subtitling teams. For this extra work they ask us to do, which has increased significantly over the past few years, we don’t receive any compensation. But author groups are currently in discussions to get this work included in the list of paid tasks. The project manager seemed apologetic about the amount of extra work to be done and said that she could possibly pay me for the simulation [the step where the subtitles are proofread and checked with the programme] as a way to compensate me for the extra work.

At first, I was excited to work on this project and with the dubbing team. I knew one of the authors, and I liked the subject of the series. So, my desire to be part of the project led me initially to accept the job in principle. But after thinking about if for a few days, I did the math. When a programme has a lot of dialogue, which is often the case with a series, there’ll usually be about 18 subtitles per minute on average. At the rate they were offering, that worked out to 88 cents per subtitle. I’m lucky enough to have the opportunity to work regularly on projects that pay between 3.50 € and 4.30 € per subtitle. So I called the project manager back and refused the job because the rate was inappropriate. I explained to her that, being a staunch defender of proper rates for the profession, I could not, in good conscious, agree to such a low rate.

It was the first time that I was getting contacted to subtitle a programme that would run on Amazon. Along with that, I was also offered a dubbing project at a relatively acceptable rate of 28.60 € per minute, and I accepted that one.

Un changement de paradigme ?

Entretien publié dans le Bulletin des Auteurs du SNAC (Syndicat national des auteurs et des compositeurs), numéro 152 – janvier 2023.

Bulletin des Auteurs – Que pensez-vous du sous-titrage sur interface en ligne ?

Collectif – Cette manière de travailler induit une transformation complète de nos conditions de travail mais aussi certainement de notre métier et, à terme, de notre statut. La société Deluxe Media Inc. (« Deluxe US »), comme Eikon, Iyuno ou TransPerfect qui fonctionnent de la même manière, propose de sous-titrer les programmes pour le monde entier, notamment pour les plateformes de VOD (Netflix, Disney+, Amazon Prime Vidéo…) et, dans une moindre mesure, pour les sorties en salles. Pour ce faire, ils imposent aux auteurs de travailler sur une interface en streaming nommée, chez Deluxe US, « Sfera ». L’auteur ne peut communiquer que par mail avec le « Project Coordinator » qui lui est attribué. Ces « PC » ne connaissent pas notre métier, ce qui est une source constante d’erreurs et de perte de temps. La division du travail fait que le coordinateur n’a aucune latitude, alors il esquive toute question, en usant d’une novlangue qu’il serait intéressant d’étudier pour évaluer son influence dans ce projet novateur.

Les erreurs innombrables concernant le projet, erreurs sur le travail à accomplir, erreur d’envois de la version du film, qui n’est pas toujours la dernière en date, provoquent une cascade de mails inutiles, et d’injonctions à accomplir des tâches qui n’ont parfois pas de sens. Comme, par exemple, l’obligation de soumettre trois titres français pour un film tiré d’un livre qui a déjà un titre en français, alors que le film sera diffusé avec son titre original. On peut parfois recevoir plus de 100 mails pour un film peu bavard, alors qu’avec un laboratoire français tout se règle en une dizaine de mails et quelques appels.

La plateforme Sfera n’est pas performante, pas assez précise (moins que les premiers logiciels des années 1980) et, outre le fait qu’elle plante régulièrement, faisant à l'occasion disparaître nos sous-titres comme dans les années 1990 au temps des logiciels à disquette, elle tente d’imposer un nouveau modèle de travail qui modifie toutes les étapes du sous-titrage, pour nous amener lentement vers la disparition de notre autonomie et de notre souveraineté.

L'Auteur, le maillon indispensable

A l’heure où la guerre des plateformes et des contenus continue de faire rage et à l’heure où la concentration des entreprises dites de localisation continue de s’amplifier, l’ATAA, l’Association des Traducteurs et Adaptateurs de l’Audiovisuel, tient à rappeler à tous les acteurs de la chaîne de postproduction qu’elle est et restera extrêmement vigilante concernant les conditions de travail et de rémunération des traductrices et des traducteurs.

Elle rappelle la place centrale des autrices et auteurs. Sans ces femmes et ces hommes, aucun sous-titre exécuté dans les règles de l’art n'apparaîtrait en bas de l’écran, aucune version française doublée ne pourrait être enregistrée. Les comédien·nes se retrouveraient face à des rythmos et des pages blanches, les ingénieur·es n’auraient aucun dialogue à enregistrer. Les prestataires techniques seraient alors incapables de livrer de PAD à leurs clients, qui ne pourraient alors diffuser aucun programme étranger. C’est un travail à la fois artistique et technique mené par une chaîne de professionnel·les. Et les professionnel·les que nous sommes méritent une rémunération à la hauteur de leur savoir-faire, de leurs compétences et de leur valeur, et des conditions permettant la réalisation d’un travail de qualité, dans le respect des auteurices et œuvres d’origine et du public.

Elle rappelle aussi à chaque membre de la communauté des traductrices et des traducteurs que nous sommes des indépendant·es et qu’en tant que tel·les, nous n’avons pas à nous laisser imposer de mauvaises conditions de travail et des tarifs indécents. La négociation fait partie de la relation avec nos clients, qui ne sont pas nos employeurs. Chaque tâche mérite rétribution décente. Et parce qu’ensemble, on est plus forts et on va plus loin, il est important de rester solidaires entre nous et de faire corps, notamment grâce aux associations professionnelles.

Elle rappelle également l’absolu non-sens de l’utilisation de la traduction dite automatique et enjoint toutes les traductrices et tous les traducteurs à dénoncer cette pratique et à ne pas nourrir la machine ni passer derrière elle.

Elle rappelle enfin qu’elle se tient disposée à toute réunion de travail avec les clients diffuseurs ou prestataires techniques pour œuvrer dans le bon sens et dans le respect de chacun·e.