La reconnaissance offerte par les Prix ATAA libère fréquemment les lauréats du syndrome de l’imposteur. Pourquoi nombre d’adaptateurs et d’adaptatrices le ressentent-ils ?
C’est difficile à dire, surtout que cela dépend de chacun. C’est peut-être en partie le fait de certaines constructions sociales qui ont la dent dure. Il me semble que les études de langues et de lettres en général sont, encore aujourd’hui, moins bien considérées que les cursus scientifiques. Presque comme si ce n’étaient pas de « vraies » études, ou du moins, moins sérieuses.
Il se trouve que cela correspond aussi à une répartition très genrée des choses. Quand j’étais en fac d’anglais, nous étions 80% de femmes... Par ailleurs, il me semble que notre société continue de moins promouvoir et valoriser l’ambition personnelle, la réussite professionnelle et tout simplement la confiance en soi, chez les filles que chez les garçons. Notre métier – littéraire – étant fortement féminisé, ces deux constats permettent peut-être un premier éclairage sur le fait que les traducteurs, et encore plus les traductrices, ont tendance à douter de leur véritable valeur.
Par ailleurs, les traducteurs qui, par essence, sont des intermédiaires, sont souvent des personnes introverties, timides, discrètes, qui préfèrent rester en arrière-plan. Dans notre métier, on se met au service du texte.
Enfin, nous avons souvent très peu de retours sur notre travail. Ou bien, quand nous en avons, ce sont sur les côtés négatifs… Aujourd’hui, dans certains labos, les chargés de projet n’ont plus le temps de relire nos adaptations. En voice-over, par exemple, ils privilégient souvent le volume et travaillent avec de multiples traducteurs. Ils n’ont pas le temps de se faire une idée de la qualité du travail de chacun, et ne reviennent vers nous qu’en cas de plaintes de la part des directeurs artistiques, ou de retours techniques. Il devient donc difficile de nous évaluer par rapport aux attentes du client. Impossible de savoir si ce dernier est satisfait. Parfois, les collaborations s’arrêtent sans préavis : dans ce cas, nous imaginons toutes les raisons possibles. Comment ne pas le prendre personnellement ? Plus nous sommes isolés dans notre pratique, plus nous avons l’impression que ces situations n’arrivent qu’à nous. C’est pour cette raison qu’il est primordial de communiquer entre confrères et consœurs. Cela permet de savoir si l’ensemble du marché connaît une baisse ou si cela ne concerne que notre propre activité. Pour toutes ces raisons, les Prix ATAA sont essentiels : ils offrent des indicateurs de qualité extérieurs, et donnent aussi aux clients la possibilité d’évaluer notre travail.
